Avec plus de 850 000 personnes atteintes en France (5% des plus de 65 ans et 15% des plus de 85 ans), la maladie d'Alzheimer est la première cause de troubles de la mémoire et des fonctions intellectuelles chez les personnes âgées. Principal facteur de risque : l’âge. Or, depuis 2 ans, malgré des progrès tant diagnostiques (radiologique avec l’IRM et la scintigraphie cérébrale, biologique avec les dosages de biomarqueurs du liquide céphalorachidien) que thérapeutiques, ces chiffres restent les mêmes, avec seulement un tiers de patients traités. « L’avancée de nos connaissances et l’apport des nouveaux outils du diagnostic devrait améliorer ces chiffres », explique Marie Sarrazin, or, il n’en est rien. »
« Changer la représentation de la maladie »
Comment expliquer ce phénomène ? « La maladie d’Alzheimer est vraissemblablement victime de sa propre image. Lorsque j’étais jeune étudiante, le dément Alzheimer était décrit comme un patient voué à un déclin inexorable, auquel on n’avait rien à proposer de concret. Ce fatalisme n’est plus de mise. Nous disposons depuis quelques années de traitements spécifiques qui, administrés précocement, ralentissent significativement l’évolution de la maladie et évitent certaines complications ».
« Repérer précocement »
Condition indispensable à l’efficacité thérapeutique : un dépistage précoce, voire ultra-précoce. « Le médecin généraliste est notre partenaire le plus précieux. Il est le plus à même de repérer précocément une plainte mnésique, qui, même minime, ne doit pas être négligée. Mais il a aussi à gérer un nombre considérable de contraintes : angoisse du patient, difficultés des diagnostics différentiels (dépression,…), manque de temps… et sollicitations multiples ! La maladie d’Alzheimer n’est pas la seule pathologie à dépister très en amont. Enfin, il est souvent difficile de réaliser toute une batterie de tests au cabinet médical, surtout lorsque le patient avoue du bout des lèvres sa problématique alors qu’il est déjà sur le pas de la porte ». Le boum spectaculaire des consultations et centres mémoire apporte cependant un début de solution : le Plan Alzheimer a permis l’ouverture de 366 consultations mémoire (CM) et de 25 centres mémoire de ressources et de recherche (CMRR), bénéficiant tous des mêmes compétences. Pour Marie Sarrazin « ce maillage, efficace et serré, doit inciter nos confrères généralistes à nous adresser leurs patients facilement, au moindre doute ».
« Attention aux formes jeunes »
Autre motif de vigilance : les formes dites « jeunes » de la maladie, apparaissant avant l’âge de 65 ans. Certes, elles sont rares : d’après l'Assurance maladie, 8000 personnes de moins de 60 ans seraient reconnues en « affection de longue durée » (ALD) pour maladie d'Alzheimer. Mais elles sont souvent diagnostiquées tardivement, sans doute à la fois par méconnaissance de leur existence et suivi moins régulier des patients plus jeunes. Ce diagnostic retardé se solde par un traitement tardif et donc de moindres chances de stabiliser la maladie.
« Une démarche diagnostique planifiée »
Outre l’évaluation neuropsychologique, le bilan minimal inclut un bilan biologique (hémogramme, ionogramme sanguin, calcémie, protidémie, glycémie et dosage de la TSH) et une imagerie cérébrale. L’imagerie cérébrale, notamment l’IRM, apporte des arguments concordants en montrant une atrophie de l’hippocampe, présente dès les premiers stades, qui s’aggrave avec l’évolution de la maladie. En cas de doute diagnostique (formes atypiques et/ou jeunes), on peut désormais doser des biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien, comme la protéine amyloide et la protéine tau ; leur rapport est un marqueur prédictif d’Alzheimer. « Poser un vrai diagnostic me semble indispensable ; non seulement parce que nous pouvons proposer une prise en charge adaptée, mais aussi parce cela permet d’anticiper les situations de « crises » qui découlent souvent d’une méconnaissance de la réalité de la maladie ».
« Des traitements efficaces »
Qu’il s’agisse des inhibiteurs de l’acétylcholinestérase ou des agonistes des récepteurs glutamatergiques, ces traitements ont démontré leurs effets bénéfiques sur les principaux symptômes de la maladie (cognitifs, psycho-comportementaux et déficits fonctionnels). La prescription initiale est cependant réservée aux neurologues, aux psychiatres et aux médecins titulaires d’un DESC de gériatrie ou de la capacité de gérontologie. Le renouvellement peut être réalisé par le généraliste, mais l’indication doit être annuellement confirmée par un spécialiste autorisé. « Ces traitements freinent la pente du déclin cognitif ; dans un tiers des cas, ils l’améliorent, réduisent l’apparition des troubles du comportement et retardent la perte d’autonomie. Ils ont réellement modifié l’image de la maladie d’Alzheimer ».
« Près de 100 essais en cours dans le monde »
La recherche s’intéresse à la fois aux traitements freinateurs et curateurs. La maladie d'Alzheimer se caractérise par la formation de plaques amyloïdes. Ces plaques proviennent de l'accumulation, à l'extérieur des cellules de certaines zones du cerveau, d'une molécule particulière, le peptide amyloïde. C'est leur présence, mais aussi l'agrégation anormale de la protéine tau, sous forme de filaments, qui caractérisent la maladie. D’où les développements actuels : anticorps monoclonaux à visée amyloïde, inhibiteurs de la secretase, inhibiteurs de la plaque amyloïde et de la protéine tau… En France, 3 essais thérapeutiques de phase III sont en cours. Un autre axe de recherche s’intéresse aux phénomènes induisant la mort neuronale ; les traitements qui en découleront s’adresseront à l’ensemble des maladies neurodégénératives. Quant au « vaccin » (immunothérapie destinée au patient déjà malade), il est toujours en cours de développement.
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