Coqueluche
Il a longtemps été admis, à tort, que la coqueluche était l'apanage de l'enfant. L'adulte était considéré comme protégé par une immunité spécifique acquise après une infection ou une vaccination. Mais, en réalité, des pédiatres ont été intrigués par la fréquence de la toux dans l'entourage proche des enfants coquelucheux. Ils ont montré qu'il s'agit souvent d'une coqueluche authentique, contractée malgré une vaccination ou une infection antérieure.
De nombreux travaux épidémiologiques ont confirmé que la coqueluche de l'adulte est loin d'être rare. Des auteurs ont ainsi cherché à identifier, dans l'entourage adulte des cas index (le plus souvent des enfants), des cas contacts possibles à l'aide de critères cliniques et/ou microbiologiques. Selon les études, la prévalence dans l'entourage adulte des enfants malades a varié de 30 à 50 %. Il s'agissait de cas de coqueluche primaire (toux de 30 à 7 jours avant le cas index), coïndex (toux commençant dans la semaine qui précède ou qui suit le cas index) ou secondaire (commencement de la toux de 7 à 30 jours après le cas index).
Des enquêtes ont également été réalisées dans des échantillons de population. A San Francisco, l'incidence de la maladie serait de 2/1 000. Ce chiffre est proche de celui qui a été déterminé dans d'autres études du même genre, qui varie de 1 à 3/1 000. Au sein de populations particulières, l'incidence de la coqueluche chez les adultes peut être beaucoup plus élevée : de 8 à 33/100 selon les critères retenus, chez les travailleurs de santé, de 8 à 20/100 chez des sujets âgés. Enfin, une toux incoercible ou durable (plus de 5 à 7 jours) chez l'adulte a pu être attribuée à une coqueluche dans 18 à 26 % des cas selon les études. A l'université de Washington, un tel diagnostic a été retenu chez 8 % des étudiants toussant depuis plus de 5 jours. Chez des adultes souffrant de toux traînante, un premier travail réalisé en Allemagne, qui a porté sur 901 sujets vaccinés, a montré que le diagnostic de coqueluche pouvait être retenu dans un cas sur trois. Un autre travail portant sur des adultes qui se sont présentés aux urgences de l'hôpital universitaire de Nashville (Tennessee) pour toux prolongée inexpliquée a retenu ce diagnostic dans un cas sur cinq. D'autres travaux, réalisés dans des pays variés, et notamment en France par S. Gilberg, N. Guiso et coll., montrent que la coqueluche de l'adulte existe quelle que soit la politique vaccinale retenue.
Un faisceau d'arguments.
La présentation clinique de la coqueluche est évocatrice lorsqu'elle associe une toux de plus de 8 jours comportant des quintes et un ou plusieurs éléments complémentaires : reprise inspiratoire difficile, chant du coq, apnées, accès de cyanose, vomissements après les quintes ou hyperlymphocytose supérieure à 10 000/mm3. Elle serait typique chez un adulte sur trois, atypique ou asymptomatique dans les autres cas. Dans les cas difficiles, elle peut être confondue avec une infection des voies aériennes supérieures ou une bronchite, plus rarement avec une crise d'asthme ou une virose. Le diagnostic doit par ailleurs être évoqué par la recherche de cas contacts dans l'entourage d'une personne atteinte, souvent un enfant.
Les caractéristiques et la chronologie de la toux évoquent le diagnostic, étayé par la normalité de l'examen clinique et de la radiographie. Le diagnostic biologique direct est fondé sur l'isolement du germe et culture après aspiration naso-pharyngée. Cet examen est remboursé par la Sécurité sociale mais il nécessite un transport rapide (dans les deux heures) et une mise en culture sur des milieux spéciaux. La sensibilité de ce test direct n'est que de 15 %. La PCR (Polymerase Chain Reaction) après aspiration naso-pharyngée ou à partir d'une expectoration, est un examen non remboursé qui nécessite un transport dans un délai de 24 heures. La réponse est rapide (4 jours, contre 7 à 10 pour la mise en culture). Sa sensibilité et sa spécificité sont excellentes (respectivement 94 et 100 %). Le diagnostic biologique indirect par détection des agglutinines est remboursé et rapide, de réalisation simple mais de sensibilité faible. La détection des immunoglobulines antitoxine, anti-PTX notamment, par technique immuno-enzymatique, fournit un résultat quantitatif mais l'interprétation correcte d'un résultat positif suppose de constater l'augmentation de leur taux à deux examens successifs réalisés à quatre semaines d'intervalle.
A un stade précoce, il est utile d'évoquer une coqueluche chez l'adulte pour atténuer la maladie grâce à un traitement antibiotique. L'érythromycine constitue le traitement de référence. Elle peut être prescrite à la dose de 50 mg/kg/jour ou de 500 mg quatre fois par jour pendant 14 jours. Des travaux in vitro ont suggéré que les azolides, les kétolides et les fluoroquinolones auraient une activité similaire, mais nous ne disposons pas d'études comparatives.
Le traitement a des bénéfices individuels et collectifs.
Les bénéfices individuels du traitement sont la diminution de l'intensité de la toux et la limitation des complications : douleurs musculaires, fractures de côtes, pneumothorax, hernie, prolapsus, incontinence, retentissement général. Le recours aux antitussifs, voire aux anti-inflammatoires et aux bronchodilatateurs peut être effectué sans réserve. A un stade tardif, il est utile d'affirmer le diagnostic de coqueluche pour rassurer le patient quant à l'origine de sa toux et son pronostic. Cela permet également de lui éviter la mise en œuvre des algorithmes diagnostiques habituellement proposés en cas de toux chronique (épreuves fonctionnelles respiratoires, consultation ORL, imagerie des sinus, pHmétrie des 24 heures). Sur le plan collectif, les bénéfices attendus concernent la limitation de la transmission de l'infection dans l'entourage du malade.
Ainsi, la coqueluche est une réalité incontournable ayant conduit à une première révision du calendrier vaccinal avec rappel entre 11 et 13 ans. Son ampleur épidémiologique reste incertaine. Le diagnostic doit être évoqué devant un faisceau d'arguments et implique la réalisation d'un test diagnostique rapide. La suspicion clinique permet la prescription d'une antibiothérapie adéquate lorsque l'entourage comporte des personnes à risque, notamment des sujets âgés ou des nourrissons non vaccinés. Bien entendu, la réalité de la coqueluche ne doit pas servir d'alibi pour mettre sous antibiotique tout bronchitique toussant plus de 8 jours.
D'après un entretien avec le Pr Charles Mayaud, hôpital Tenon, Paris.
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