IL FALLAIT S'Y ATTENDRE : ni Hillary Clinton ni Barack Obama ne pouvaient gagner la totalité des 22 primaires du supermardi. Mme Clinton emporte seulement huit Etats, mais les plus peuplés ; M. Obama en emporte 13, mais les plus petits. La victoire de Hillary Clinton dans les Etats décisifs de New York, de Californie et du New Jersey lui donnent un avantage en voix populaires et en voix de délégués. Cependant son avance ne suffit pas à enterrer la campagne de Barack Obama qui n'a nullement l'intention de se désister. On s'achemine donc vers un printemps compliqué, avec deux candidats qui se partageront victoires et défaites jusqu'au mois de juin. Et il n'est pas exclu que les démocrates arrivent à la convention, l'été prochain, sans que leur candidat ne soit désigné.
Les caprices des délégués.
La balle serait alors dans le camp du parti que préside Howard Dean, lui-même ancien candidat à la présidence et plus à gauche encore qu'Obama. Logiquement, il devrait donc peser en faveur du sénateur de l'Illinois. Toutefois, les conventions n'appartiennent à personne. L'issue viendra certes des discussions d'appareil, mais aussi des caprices des délégués, qui peuvent changer d'avis et porter leurs voix sur le candidat qu'ils n'ont pas choisi au départ.
On dit beaucoup (mais surtout en Europe) que Hillary Clinton et Barack Obama devraient constituer un « ticket » présidentiel. C'est une solution séduisante, mais impossible à appliquer avant la fin des primaires. L'un des deux candidats démocrates devra alors se convaincre qu'il n'empêchera pas l'autre d'être désigné par la convention et lui demandera de figurer sur le ticket en tant que candidat à la vice-présidence.
Il est peu probable que Hillary adopte cette option : sa vice-présidence pourrait durer deux mandats et elle n'envisagera pas d'attendre l'âge de 68 ans pour se présenter de nouveau. C'est une option plus acceptable pour Obama, qui n'a que 46 ans et en aurait donc 54 en 2016.
En tout cas, il faut éviter d'aller plus vite que la musique. Le suspense reste entier du côté démocrate et la campagne, déjà épuisante pour les deux concurrents, va être encore plus intense et plus fatigante.
CLINTON ER OBAMA RISQUENT DE RESTER DANS LA COURSE JUSQU'A LA CONVENTION
Du côté républicain, la surprise est venue de Mike Huckabee, que l'on croyait à terre et qui dame le pion à Mitt Romney, lequel ne devrait pas tarder à se retirer de la course. Ce soudain retour de Huckabee ne devrait pas, cependant, retarder la marche de John McCain vers la victoire. M. McCain a clairement gagné le «Supertuesday». Républicain atypique, le sénateur de l'Arizona a des idées éclectiques : il soutient la présence militaire des Etats-Unis en Irak, mais il est plus favorable aux immigrés que la plupart des républicains. Il appliquerait un programme social diamétralement opposé à celui de George Bush. Et il en finirait probablement avec le néoconservatisme et l'unilatéralisme.
Candidat à la présidence en 2000, il a été battu par M. Bush. Il est parlementaire depuis 1982 et sénateur de l'Arizona depuis 1986. Son expérience politique est donc impressionnante et son parti consentira à contrecoeur, à lui accorder l'investiture. Bien qu'il ait presque 72 ans (c'est le plus âgé des candidats à la présidence dans l'histoire des Etats-Unis), John McCain a aujourd'hui des chances très solides d'être élu, car il n'est pas impossible que le parti démocrate ne saisisse pas l'occasion exceptionnelle qu'il a cette année de reconquérir le pouvoir sur les ruines de la longue présidence de M. Bush. Pour bien comprendre les Etats-Unis, il est essentiel de se souvenir que les enthousiasmes d'un début de campagne cachent la réalité sociologique du pays : tour à tour, Mme Clinton, puis Obama, puis Mike Huckabee ont donné l'impression que leur ascension était irrésistible. Mais, par définition, les primaires ne donnent que la carte politique d'un État.
Mme Clinton est soutenue par les femmes et les Latino-Américains, M. Obama par les Noirs et les jeunes, M. McCain par personne en particulier, M. Huckabee par les évangélistes. Tous ces groupes correspondent à des minorités. Il demeure une majorité blanche. S'il est bon d'avoir, dans sa besace de candidat, des votes minoritaires qui font la différence au dernier moment, il n'est pas possible de l'emporter sans être soutenu par la classe moyenne, par les centristes, par les syndicats, par les catégories professionnelles.
Tout le monde a été très impressionné par les ralliements spectaculaires à Obama d'Oprah Winfrey (une diva de la télévision qui a littéralement lancé le sénateur noir dans l'espace électoral national), du sénateur Ted Kennedy, frère du président assassiné, de Caroline Kennedy, la fille de John, de Maria Shriver, la nièce de John. Tous auront tout fait pour que l'Amérique reconnaisse en Obama le digne successeur d'un président martyr et légendaire. La féministe Gloria Steinem déclare en substance : j'ai peur que, pour prouver qu'il n'est pas raciste, le peuple américain n'oublie la lutte en faveur des droits de la femme. Il y a du vrai dans ce qu'elle dit : on a fait, on fait encore, un procès injuste à Hillary Clinton, jugée trop sûre d'elle, arrogante, pas assez simple, pas vraiment compassionnelle. Mais on lui en veut, surtout dans le camp républicain auquel elle inspire une haine inexpiable, parce que c'est une femme.
Et, bien que M. Obama soit un orateur extraordinaire (son talent a été découvert lors de la convention démocrate à Boston en 2004 où il a prononcé un discours éblouissant), il utilise souvent des mots creux comme « changement », ou d'une emphase extrême. Il n'est pas différent de tous les candidats confrontés aux primaires, c'est-à-dire à l'épreuve électorale la plus dure du monde. Il est certes en avance sur son temps. L'expression signifie deux choses : qu'il a pris le plus court chemin ; ou que c'est trop tôt pour lui.
> RICHARD LISCIA
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