1962. La date n'évoque pas grand chose sans doute pour les plus jeunes même si, il y a trois ans, on a beaucoup reparlé des accords d'Evian et de la déchirure que fut pour la plupart des « Pieds Noirs » le départ obligé vers une métropole qu'ils ne connaissaient pas et où ils n'avaient pas de place. C'est à ce moment douloureux que s'intéresse Medhi Charef dont le père, à l'époque, travaillait déjà dans la région parisienne. Elevé par sa mère, fréquentant l'école de la République avec ses copains, arabes, berbères, musulmans et juifs, chrétiens, toutes origines et confessions mélangées, il se souvient du vide... Il n'oublie pas les souffrances des siens durant la guerre et ensuite. Depuis, par ses livres, ses films, il a donné du poids à bien des questions. C'est la première fois qu'il aborde de front la question du départ. Il le fait avec une loyauté profonde et imagine un groupe de personnages représentatifs de l'Algérie d'alors. La fable est belle et on ne vous la dévoilera pas car il y a bien des secrets dans cette histoire. Unité de lieu, de temps, d'action. 16 juin 1962. Un quai de gare d'une petite ville du Nord-Ouest algérien.
Partance pour Oran. Dernier train. Il y a la femme qui veut enterrer son mari en France. Colons, ils ont trimé. Elle est un peu enfermée dans son monde, un peu égoïste cette Léonie (Nadia Barentin). Son mari ne l'était peut-être pas... Elle est pourtant maternelle avec l'ouvrier agricole, Tahar (Amidou). Mais lui-même a peut-être des engagements qu'elle n'a pas compris... Il y a le petit fonctionnaire éruptif mais pas méchant, le chef de gare, Barnabé (Jean-Michel Dupuis) et l'artisan acquis à la cause de l'indépendance, Dacquin (Stéphane Höhn), le propriétaire terrien OAS, Perret (Jean-Pierre Malo). Un harki passe (et meurt). Il est joué en alternance par Kader Boukhanef et Azize Kabouche, les metteurs en scène qui n'ont peut-être pas su donner un mouvement tendu à la représentation.
Le beau décor de Claude Lemaire invite à l'alignement et il manque peut-être des ruptures, des contrastes. Mais le jeu des grands comédiens réunis est d'une grande ferveur, d'un engagement profond, d'une sensibilité qui touchent. Peut-être Medhi Charef aurait-il été plus convaincant en étant plus radical. Là, il donne ses chances à chaque personnage. C'est paradoxalement ce qui donne quelque chose de trop uni à la représentation. Mais quelle belle leçon d'histoire et d'humanité, pourtant. A voir et à partager. A méditer.
Théâtre Montparnasse, à 21 h du mardi au samedi, en matinée à 17 h le samedi, à 15 h 30 le dimanche (01.43.22.77.74). Durée : 1 h 30 sans entracte.
Le texte de la pièce est publié par L'Avant-Scène n° 1187(12euros).
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