LES JOURS des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) sont donc comptés. En 2009, après treize ans d'existence, elles seront remplacées par des ARS – agences régionales de santé – au périmètre élargi. C'était l'une des annonces phares de Nicolas Sarkozy en matière de santé durant la campagne. L'idée est d'améliorer le pilotage du système de santé en plaçant sous une même autorité régionale la médecine hospitalière et libérale ; la santé publique et le médico-social seront concernés dans un deuxième temps.
Le président tient sa ligne et veut mener la réforme tambour battant. L'Elysée a fixé le calendrier : remise du rapport de la mission ARS, pilotée par Philippe Ritter, en novembre prochain ; dépôt d'un projet de loi sur les ARS au premier semestre 2008 ; et mise en place des ARS début 2009.
«Nous n'avons pas le choix: il faut aller vite», a déclaré Philippe Ritter lors du séminaire organisé au ministère de la Santé.
Une « grand-messe », qui a réuni tous les acteurs concernés et qui a donné le coup d'envoi du débat national.
Quelle place pour les médecins libéraux ?
Le constat est plutôt consensuel : la multiplicité des pilotes en région – ARH, préfet, DDASS, URCAM, GRSP… – et le cloisonnement de l'offre de soins nuisent à l'efficacité du système sanitaire. S'il faut créer les ARS, le chemin à emprunter, en revanche, fait débat. «Oui pour les ARS, mais…» : chaque intervenant s'est attaché à défendre son pré carré et le séminaire, très vite, a pris des allures de bureau des plaintes.
Les caisses primaires refusent d'être mises sur la touche s'agissant du contrôle des dépenses sur le terrain. «La gestion du risque est notre coeur de métier, cela doit rester du ressort de l'assurance-maladie», a insisté Eric Le Boulaire, directeur de la CPAM des Yvelines. Les agents des administrations ciblées par la réforme, représentés par plusieurs syndicats, ont exigé des garanties pour leur éventuel reclassement. Les mutuelles ont demandé à être intégrées au débat. Les médecins et les pharmaciens de santé publique s'inquiètent de ne pas trouver leur place dans le futur dispositif. Les acteurs en charge de la veille sanitaire, de même, s'interrogent.
Venus en force, les médecins libéraux sont également montés au créneau. «Nous craignons que les ARS permettent à l'Etat de s'affranchir du système conventionnel», a déclaré le Dr Philippe Descombes (CSMF), président de l'union régionale des médecins libéraux (URML) de Picardie. La suggestion faite quelques minutes plus tôt par la ministre de la Santé est visiblement mal passée : «Pourquoi ne pas introduire une marge de bonification dans la convention nationale des médecins libéraux, une enveloppe régionale, un ORDAM (un objectif régional des dépenses d'assurance-maladie, ndlr) ?», a proposé Roselyne Bachelot.
Inversement, les syndicats médicaux non signataires de la convention, qui tiennent là une occasion de revenir à la table des discussions, ont manifesté un vif intérêt pour les ARS. «Certains médecins sont d'accord pour aller négocier en région, seulement les syndicats représentatifs sont actuellement boudés. Il faut les associer aux ARS», a lancé le Dr Thierry Lebrun, vice-président de MG-France.
En somme, la division règne à tous les étages, et il faudra bien du talent pour déboucher sur un scénario accepté par tous.
Philippe Ritter est conscient de marcher sur des oeufs. Surtout, il ne lui échappe pas que le principal écueil se situe au sommet de l'échelle des responsabilités, l'Etat et l'assurance-maladie se disputant le suivi de la maîtrise des dépenses. «Il y a là un débat central qui devra être approfondi dans les prochaines semaines», a prudemment déclaré Philippe Ritter.
La CNAM, semble-t-il, ne compte pas lâcher le morceau. Son directeur, Frédéric Van Roekeghem, a mis les formes lors du séminaire, mais le fond de son message était clair : «L'Etat est le garant de l'organisation de l'offre de soins et l'assurance-maladie, le financeur. Elle doit pouvoir peser sur l'efficience du système.»
Plusieurs personnalités, l'ancien ministre Claude Evin en tête, ont réclamé la création d'une Agence nationale de santé (ANS) dans le même temps que les ARS. Ce qui amènerait à redéfinir le périmètre des autorités nationales. A ce propos, Roselyne Bachelot a prévenu : pas question de fermer le ministère de la Santé. Sur toutes les autres questions soulevées en sa présence jeudi, la ministre a botté en touche. «J'attends le résultat de la concertation», a-t-elle répété.
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