M. BARROSO n'avait pas tort : ce sont les gouvernements européens qui nomment leurs commissaires européens. Ce n'était pas sa faute si Rocco Buttiglione a fait des déclarations réactionnaires sur l'homosexualité et le rôle de la femme au foyer ou si une commissaire néerlandaise constituait un cas de conflit d'intérêts. Mais ce béotien a manqué de flair. Il n'a pas senti qu'un vent frais parcourt le Parlement de Strasbourg, qui refuse de plus en plus de servir de chambre d'enregistrement. D'ailleurs, le message des députés européens s'adresse aussi bien à M. Barroso qu'aux gouvernements nationaux : la politique européenne ne se fera plus exclusivement au niveau du CIG (conseil intergouvernemntal).
Un jeune homme.
Jose Barroso, ex-maoïste reconverti à l'économie de marché (un parcours chinois en quelque sorte), n'a que 48 ans. Il a déjà dirigé son pays. Il parle un français remarquable et il est salué par la presse internationale comme le digne descendant de Jacques Delors.
A voir. Jamais Jacques Delors ne se serait laissé entraîner dans un conflit aussi profond avec le Parlement. Là où M. Barroso croyait suivre une logique, il s'est aperçu qu'il y avait un problème politique, et de taille.
Quel problème ? Il s'est trouvé peu ou prou, au Parlement, une majorité de députés qui était agacée par le fait du prince. Exemple : Silvio Berlusconi peut désigner le commissaire qu'il veut, mais si M. Buttiglione ne s'est pas aperçu que la moitié féminine de l'Europe travaille dur et en dehors du foyer, il n'est pas digne de participer à l'édification de cette union démocratique et moderne que veulent les députés.
Là-dessus sont venues se greffer des rivalités déjà apparues à propos du conflit irakien et de la désignation de la nouvelle Commission : M. Berlusconi est extérieur au clan constitué par la France, l'Allemagne et l'Espagne socialiste. Et on a vite rappelé que, non seulement M. Barroso lui-même était plus atlantiste qu'européen (il a accueilli le sommet Bush-Blair-Aznar avant l'invasion de l'Irak) mais que la Commission, contrairement aux vœux exprimés par le trio Paris-Madrid-Berlin, allait orienter l'Europe vers le libéralisme économique et tournait le dos à l'Europe sociale.
Le phénomène important, c'est qu'il n'y a pas adéquation entre la dominante libérale des gouvernements européens et l'esprit social-démocrate de la majorité internationale au Parlement. Déjà contesté en tant que ce qu'il est, un conservateur libéral, M. Barroso devenait le bouc émissaire de toutes les rancœurs.
Une volte-face.
Il a d'abord tenu bon sur une position logique, à savoir que la moitié du Parlement ne soutenait pas les revendications de l'autre moitié. Puis, quand il a vu que la première moitié allait le briser, il a fait une volte-face rapide, en renonçant à demander un délai et en dissolvant littéralement la Commission, pour avoir le temps de consulter les gouvernements et leur demander de lui proposer d'autres commissaires, ne fût-ce que dans trois ou quatre cas.
Se remettra-t-il de ce revers ? Oui. Il a du ressort et il possède un enthousiasme propre à faire sauter les verrous. Il lui faut maintenant plus d'habileté qu'il n'en a eu jusqu'à présent : l'Europe des 25 ne sera pas facile à apprivoiser.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature