Malgré les tous les efforts de dépistage, il existe en France 7 000 à 8 000 contaminations nouvelles par an et 50 000 séropositifs qui ignorent leur maladie, avec comme conséquence un retard préjudiciable à la mise en route des traitements, (+ 10,9 % de mortalité), une contamination possible et au final, la persistance de l’épidémie.
VIH, une pathologie de la précarité
Comme le soulignait le Pr Christophe Strady (CHU de Reims), l’infection VIH est une pathologie de la précarité. Si l’on observe par exemple les parcours de soins des migrants infectés par le VIH, on voit bien leur difficulté d’accès aux soins, essentiellement due à la complexité des procédures administratives, aggravée en fonction des départements, de la régularité de leur présence sur le territoire et des conditions sociales des intéressés. Si l’accès aux traitements antirétroviraux est théoriquement possible, notamment pour les 15/20 % ayant contracté l’infection sur le sol national, les perspectives d’évolutions tant législatives que financières sont plutôt en train de durcir les conditions que l’inverse.
Pour lutter contre l’épidémie, le plan sida 2010-2014 prévoit, entre autres, un dépistage de masse. De nombreuses études ont montré la pertinence de l’objectif de baisse de la charge virale communautaire dans cette lutte. (exergue) Le Pr Thierry May (CHU de Nancy, président du Corevih LCA) souligne le consensus rare entre experts, politiques, médecins… au sujet de ce plan. Concrètement, il s’agit de combiner une stratégie dite d’ « attrapage » et de « rattrapage ». L’attrapage est une notion familière, maintenant une pression de dépistage régulière sur des populations à risque. Cela étant, le Pr Christian Rabaud (CHU de Nancy), rappelle que l’incidence du VIH du milieu gay parisien** est située entre celle du Lesotho et celle de l’Afrique du Sud, soulignant ainsi l’actualité du sujet.
Dépistage de masse
« L’attrapage » consiste en un dépistage de masse, où un test de dépistage du VIH serait pratiqué au moins une fois dans les cinq ans à venir à toute personne de 15 à 70 ans, indépendamment de tout risque d’exposition et de contamination.
Les milieux associatifs sont plutôt familiers de la stratégie d’attrapage et les associations les plus actives (Aides…) n’hésitent pas à utiliser l’arme du Trod (test rapide d’orientation diagnostique) lorsque les cas se présentent. Au Pr Le Faou, virologue, qui indique que le test de référence reste le test Elisa de quatrième génération, les pragmatiques opposent qu’un Trod positif donne plus souvent lieu à un dépistage en bonne et due forme qu’un simple conseil resté lettre morte.
Réussir à mobiliser
Quant à la stratégie de « rattrapage », elle semble plus complexe qu’il n’y paraît. Les avis divergent déjà à propos de ses modalités d’applications. Le plan ne prévoit rien de spécifique, ni arsenal du type vaccination grippe A, ni campagne semblable à celle du cancer du côlon. Bien sûr, en théorie, on aurait pu imaginer un courrier invitant à pratiquer un test, une recherche systématique chez tout patient se présentant aux urgences. C’est sans compter avec la nature particulière de la maladie, son histoire, ses tabous. C’est sans compter aussi la défiance désormais installée entre les politiques de santé publique et le public.
Seul ayant gardé la confiance du patient, le médecin pourrait jouer un rôle clé. Le Dr Sophie Siegrist, (MG,URPS de Lorraine) ne cache pas les difficultés sous-jacentes. Manque de formation sur ce sujet difficile, (certains MG n’ont aucun séropositif dans leur clientèle), manque de temps pour aborder la nécessaire pédagogie sur la démarche : au total, il faudrait expliquer à des patients n’ayant aucun facteur de risque connu, que le dépistage du VIH – a priori inutile sur le plan individuel – serait utile à la collectivité… D’où la nécessité, souligne la praticienne de terrain, d’une clarification tant du rôle dévolu au médecin dans cette politique globale de prévention que des messages à véhiculer… Avec un paradoxe de taille : le sujet sida perçu par tous comme banal et rebattu, n’attire plus les foules au cours de formations professionnelles. La première des difficultés serait de mobiliser sur ce sujet-là !
Tout en soutenant elle aussi les principes du plan, le Dr Christine Rouger (CHU de Reims) conclut en s’interrogeant sur les conséquences d’un éventuel succès. 50 000 patients dépistés, ajoutés à la file active des patients en trithérapie, poseraient de fait de nouveaux défis, ne serait-ce que budgétaires.
** HSH : homme ayant des relations avec un homme.
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