SON EXPERTISE est la clé de son métier. Si elle se sent «bien à (sa) place», Anne-Florence Planté ne se définit toutefois pas tout à fait comme une kinésithérapeute. Diplômée de victimologie, spécialiste de la réhabilitation pelvienne, elle se considère plutôt comme une professionnelle ayant une expérience, une compétence, qui lui permet de travailler en équipe avec les médecins. «Pour moi, la relation médecin-kiné, c’est d’abord la notion hiérarchique du prescripteur au prescrit. Le médecin nous donne un acte à faire et nous devons y répondre», explique Anne-Florence Planté, qui travaille principalement en collaboration avec des médecins gynécologues ou urologues. «Je transmets toujours au médecin, par courrier, un bilan sur le patient qu’il m’a adressé. C’est une preuve de sérieux. Même d’un point de vue légal, les médecins sont responsables de nous. Nous avons un engagement mutuel», poursuit-elle.
Un transfert positif.
Contrairement au kinésithérapeute non spécialiste qui sera appelé «quand il n’y a plus d’autre solution», Anne-Florence Planté participe au soin du patient en amont. «On me demande souvent un bilan préopératoire, comme pour une prostatectomie, ou un bilan pré-partum. Parfois, on me demande de donner mon avis sur la nécessité d’une chirurgie pour corriger l’incontinence d’une patiente. La complicité avec le médecin est très importante si l’on veut que le patient arrive en toute confiance.» Ainsi arrive-t-elle à réaliser «le miracle» que lui demande un médecin pour cette patiente qui, guérie d’un cancer, retrouve la continence totale avec une vessie de remplacement. «C’est ce que l’on appelle un transfert positif, résume-t-elle. En tant que kiné, nous n’avons pas seulement un rôle technique, mais une écoute spécifique.Pour le patient, il ne doit pas y avoir de place laissée à l’anxiété.» Lorsqu’elle découvre, devant le cas d’un patient, une nouvelle technique opératoire pour le cancer de la vessie, elle prend la peine de rappeler l’urologue pour lui demander des détails techniques.
Oser demander des informations, mais aussi oser présenter sa spécialité, un besoin avec l’arrivée du médecin traitant. «Nous le ressentons aujourd’hui: les différents spécialistes font suivre une baisse de prescription. Je pense qu’il est nécessaire d’envisager des formations binômes avec les médecins généralistes qui n’ont pas forcément la notion de spécialisation des kinés, suggère Anne-Florence Planté. Les médecins devraient pouvoir s’appuyer sur un réseau ou sur un listing de professionnels.»
Travailler en toute confiance.
Pour le Dr Christine Vahrat, gynécologue-obstétricienne, le recours au kinésithérapeute comme le travail en équipe sont des évidences. «Parce que j’aime suivre mes patientes, j’ai des relations privilégiées avec mes correspondants, dit-elle. Pour une rééducation périnéale classique, je conseille à mes patientes de choisir plutôt un kiné en fonction du quartier. Mais s’il y a un problème spécifique, je préfère appeler moi-même le kiné. C’est un confort extraordinaire pour mes patientes et pour moi. Je me sens beaucoup plus en confiance. Avec Anne-Florence Planté, nous nous rencontrons environ une fois par trimestre pour parler de nos patientes. Pour moi, il n’y a pas de notion hiérarchique: c’est un travail transversal, nous sommes dans l’échange.»
C’est en lisant un article rédigé par Anne-Florence Planté sur le périné «et très marqué en urogynéco» que le Dr Vahrat contacte la kiné et lui propose d’adapter la kinésithérapie post-partum à une rééducation d’une pathologie vulvaire douloureuse, la vulvodynie. Anne-Florence Planté relève le défi et les deux femmes rédigent un article commun sur une trentaine de patientes. «Les douleurs vulvaires ont des causes multiples. Le but est de travailler sur le corps pour faire accepter l’idée que le blocage peut être ailleurs, indique le Dr Vahrat. J’explique à ma patiente qu’il s’agit d’une inflammation des terminaisons nerveuses due à une hypertonie du périné et que cela nécessite quelques séances de kinésithérapie avec Anne-Florence. L’important est d’arriver à lui faire comprendre que nous ne sommes que des béquilles, mais que c’est elle qui est acteur de son soin. Lorsque je revois la patiente un mois après, il y a obligatoirement quelque chose qui s’est débloqué avec Anne-Florence. Souvent, la patiente s’est livrée et a révélé une agression ou un traumatisme enfoui. Je ne pourrais pas arriver à ce résultat toute seule. Anne-Florence a une proximité particulière avec les patientes», ajoute Christine Vahrat. Il n’est pas pour autant question de sortir de son rôle. Les deux femmes travaillent également en réseau avec des psychiatres.
Pour Anne-Florence Planté, qui travaille dans le même cabinet qu’un psychothérapeute, le médecin doit rester au centre de l’équipe de soin. «Mon rôle est de renforcer la relation thérapeutique entre le patient et son médecin. Je ne fais que rendre compte», estime-t-elle.
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