« Un adulte normal ne tousse pas, n'expectore pas. » Le Pr Jean-François Muir, président de la Société de pneumologie de langue française (SPLF), tient à clarifier tout de suite les choses : ni l'âge ni le tabagisme du patient ne doivent justifier la banalisation de la BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive), « non diagnostiquée chez les deux tiers des personnes qui en souffrent ».
Selon lui, au minimum, le débitmètre de pointe (peak-flow), ou, dans le meilleur des cas, la spirométrie par des professionnels formés doivent être systématiquement proposés à tout fumeur ou ancien fumeur de 40 ans ou plus. « Il ne faut surtout pas attendre les symptômes pour proposer cet examen », insiste-t-il, puisque l'essoufflement à l'effort n'intervient que tardivement dans l'histoire de la maladie, « alors qu'une partie de notre capital respiratoire est définitivement perdue ». Pour le Dr Yves Grillet, pneumologue, le peak flow n'est pas toujours fiable, mais vaut toujours « mieux que rien », en attendant les petits bijoux électroniques qui permettront un diagnostic plus facile. « Tous les médecins doivent penser systématiquement, quel que soit le motif de consultation, à s'enquérir des habitudes tabagiques de leurs patients », explique-t-il. Cela permettrait, selon lui, de dépister les personnes à risque, puis de les adresser éventuellement à un spécialiste. « D'après ce que l'on sait de l'impact des paroles du médecin, on peut supposer que si tous les généralistes conseillaient à leurs patients d'arrêter de fumer 300 000 personnes le feraient chaque année en France », estime-t-il, en ajoutant que cela « permettrait un vrai sevrage avec l'aide personnalisée nécessaire ».
Du côté des patients
Bien que le chiffrage soit difficile en raison du sous-diagnostic, le Pr Gérard Huchon, président du Comité national contre les maladies respiratoires (CNMR), estime à près de 10 % la population adulte touchée en France, dont 90 % doit sa maladie au tabac. Détresses respiratoires, parfois IRC et appareillage, sont le lot des patients. La BPCO affecte indirectement le système musculaire sous-oxygéné, qui finit par fondre, puisqu'il est de moins en moins sollicité. « J'avais des crampes dans tous les muscles du corps, même dans les doigts, le dos, etc. », explique une patiente pour laquelle on a diagnostiqué un asthme pendant des décennies avant que la BPCO ne fût identifiée. Elle exprime la difficulté des patients à parler de leur trouble : l'essoufflement est souvent attribué à l'âge, les personnes actives ont peur d'être déconsidérées dans leur travail en s'arrêtant trop souvent sous le prétexte d'une maladie que personne ne connaît et même face au médecin, on culpabilise d'avoir fumé, on a tendance à induire un biais dans le diagnostic en ne décrivant pas l'ensemble de ses symptômes.
Quant au praticien, il doit non seulement deviner la détresse derrière des propos pas toujours clairs, mais aussi être lui-même honnête : « Il faut être clair avec le patient, résume Jean-François Muir , ce qui est détruit est détruit. » Il reste alors à stopper les dégâts en proposant l'arrêt du tabac avant tout, un traitement médicamenteux (bronchodilatateurs, parfois anti-inflammatoires) et une réhabilitation respiratoire.
Le dépistage en pratique
- Le CNMR ouvrira du 19 au 22 novembre, de 9 heures à 18 heures, un Numéro Indigo (0,12 euro TTC la minute) où patients et professionnels pourront profiter des conseils des pneumologues : 0.826.026.666.
Parallèlement, les comités départementaux réaliseront des actions d'information dans vingt villes de France, tandis qu'un guide sur la BPCO sera diffusé auprès des professionnels de santé.
Pour en savoir plus : www.lesouffleclavie.com.
- Un test sera remis sur chaque site au grand public, sous forme de quiz (oui/non) : Toussez-vous souvent ou plusieurs fois par jour ? Crachez-vous souvent ? Etes-vous plus facilement essoufflé que les autres personnes de votre âge ? Avez-vous plus de 40 ans ? Etes-vous fumeur ou ex-fumeur ? Trois réponses positives ou plus devront faire penser à la BPCO et entraîner des tests en vue d'un diagnostic de certitude.
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