DANIEL PICOULY (prix Renaudot pour « l'Enfant léopard », en 1999) avait 20 ans en 1968. Son personnage principal – avec le Général de Gaulle, bien sûr – a 20 ans aussi et comme lui est issu d'une famille nombreuse de la banlieue de Paris. Ce jour-là, alors que le pays est paralysé par les grèves, c'est dans le camion-poubelles conduit par son beau-frère que l'Etudiant fait le trajet de la cité jusqu'à la faculté.
On est le 29 mai, le récit se déroule de sept heures du matin jusqu'au soir à dix-huit heures et quelques. Ce jour-là, de Gaulle a disparu durant plusieurs heures, plongeant son entourage dans les affres de l'abandon – ou de l'ambition – tandis que le peuple qui n'en sait rien et la jeunesse en particulier, affrontent cette journée avec l'enthousiasme de leurs vingt printemps.
Entre le témoignage autobiographique et la reconstitution historique, « 68, mon amour » alterne, en de brefs paragraphes haletants et désordonnés comme les événements d'alors, deux histoires parallèles.
Celle qui recoupe la grande Histoire et qui concerne le départ du président de la République en hélicoptère pour rejoindre le général Massu à Baden-Baden, laissant le pays aux mains d'un chef d'Etat noir, Gaston Monnerville. Le grand homme est saisi non seulement dans ses doutes politiques mais dans son intimité, avec son épouse Yvonne, son gendre Philippe, ses ministres et autres collaborateurs.
Les anciens « soixante-huitards » s'amusent ainsi à retrouver en leur état les Pompidou, Chirac et autre Giscard d'Estaing, pour ne nommer qu'eux, que la découverte puis l'annonce de la disparition subite du chef de l'Etat plonge dans la perplexité et l'excitation les plus incongrus.
La deuxième histoire est plus populaire, qui met en contact deux mondes faits pour ne pas se rencontrer. Celui de l'Etudiant pauvre qui ne veut à aucun prix rater l'examen prévu ce jour, et de ses copains venus à Paris, eux, pour manifester ; en particulier Nanette aux cheveux rouges et Saint-Mexan, infirme révolté, qui ont décidé d'être les Bonnie et Clyde du Quartier latin, avec dans leur sillage les Allemands Hans et Willy, athlètes et accessoirement compagnons de « Rudi le Rouge ».
L'autre monde est celui de la faculté d'Assas et des étudiants issus des beaux quartiers qui préfèrent pérorer et déjeuner plutôt qu'affronter les CRS et pleurer les gaz lacrymogènes. Parmi eux, « Mademoiselle de... », alias Gersende, chargée de préparer un exposé avec l'Etudiant, hésite un moment entre son fiancé à décapotable et sans surprise et ce garçon issu d'une autre planète. Pas longtemps.
La balade concoctée par Daniel Picouly dans le rues de Paris – sans oublier les escapades à Baden-Baden et à Colombey-les-Deux-Eglises – est certes chaotique et anecdotique, mais elle est remplie d'allégresse et d'humour. La mémoire est sélective, on le sait bien...
Editions Grasse, 412 p., 19,50 euros.
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