Willy Rozenbaum
« Touché et fier »«En général, les prix Nobel sont attribués au premier ou au dernier signataire d'une publication. Cette année, ce n'est pas un, mais deux auteurs, Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, qui sont récompensés. Face à une telle reconnaissance d'un travail scientifique, comment ne pas me sentir personnellement touché et fier?», déclare humblement le Pr Willy Rozenbaum*. «Depuis des années, on dit que cette découverte est nobélisable, la nomination était donc prévisible. Cependant, c'est quand même une surprise, modère-t-il. L'habitude des jurys est de décerner le Nobel au moment où un traitement curatif ou préventif est découvert. Or ce n'est pas le cas cette année puisque le constat d'échec de la vaccination contre le VIH a été entériné de manière consensuelle.»«Deuxième surprise, poursuit-il, on pensait que le prix allait être partagé entre les équipes française et américaine. Si seule la française est concernée, il n'y a, pour ma part, aucun doute sur le fait que l'équipe américaine a contribué à cette découverte grâce à ses travaux en amont. Ils ont été déterminants pour la suite. C'est l'inconvénient du Nobel, qui met en lumière une ou deux personnes, méritantes par ailleurs, sans rendre compte d'une réalité qui est toujours beaucoup plus complexe.»
* Hôpital Saint-Louis, Paris.
Christine Katlama
« Une grande joie »« Je ressens une grande joie, déclare avec enthousiasme le Pr Christine Katlama*, infectiologue spécialiste du VIH, tout particulièrement pour Françoise Barré-Sinoussi avec qui je travaille quotidiennement. C'est une belle reconnaissance pour Françoise, cheville ouvrière du VIH, qui est restée sur le pont, même après la découverte du virus. Elle n'a jamais cessé d'être hyperactive. Certains chercheurs après la découverte restent dans leur laboratoire. Elle non. Elle donne énormément d'énergie au Cambodge et en Afrique. C'est à la fois une scientifique et une militante sur le terrain. C'est superbe ! J'ai toujours regretté que les prix Nobel de médecine soient attribués à des fondamentalistes purs. Pour elle, le prix récompense tout un parcours. Françoise recueille l'unanimité. On est superheureux pour elle. Et puis, ce Nobel, c'est aussi une grande fierté, poursuit-elle. Il s'agit d'une découverte française et j'appartiens à cette génération qui a commencé à travailler sur le sida il y a vingt-cinq ans. D'énormes efforts ont été mobilisés en France pour lutter contre le VIH, presque aussi importants qu'aux États-Unis. C'est pourquoi je le vis aussi comme une récompense collective à la France, à l'ensemble de ses chercheurs et de ses médecins. »
* Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Brigitte Autran
« Bien mérité, bien attribué »«Je saute de joie car je les soutiens pour cette récompense depuis longtemps, indique au « Quotidien » le Pr Brigitte Autran*. Ce prix est vraiment mérité et bien attribué même s'il arrive un peu tard. Je salue particulièrement Françoise Barré-Sinoussi pour ses qualités de chercheuse et sa persévérance. Elle a eu un rôle déterminant dans l'isolement du virus et mis en oeuvre des moyens inimaginables. Son talent est immense! Je rends également hommage à Luc Montagnier qui a su monter un groupe de recherche extraordinaire. Il a su créer une école, une équipe de cliniciens et de virologues. En tant que petite interne, j'ai vécu cette union sacrée qui mérite à elle seule le couronnement de Luc Montagnier. Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi ont écouté les cliniciens et ont compris que la maladie n'était pas dans le sang, mais dans les ganglions. Le PrGallo, rétrovirologue de talent des années 1980, ne l'avait pas vu. Certes, il a recherché le virus, mais uniquement dans le sang.»
* Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Michel Kazatchkine
« Un élan, une confiance »«Ce prix Nobel est bien évidemment la reconnaissance d'une découverte qui concerne l'épidémie la plus importante à laquelle l'humanité ait été confrontée, impliquant aussi bien les pays riches que les pays pauvres, constate le Pr Michel Kazatchkine*. «Je suis très heureux pour l'équipe de Luc Montagnier et de Françoise Barré-Sinoussi. J'espère que cela va redonner un élan, une confiance politique à deux niveaux. D'abord pour rappeler que la recherche fondamentale est essentielle pour faire des progrès en médecine. Ce qui devrait redonner un souffle de confiance au financement et au soutien de ce type de recherche, qui est à la base des possibilités de diagnostic et des développements thérapeutiques. Ensuite, pour le sida un deuxième souffle est actuellement nécessaire pour remobiliser les énergies autour de cette maladie. Dans le contexte économique et social actuel, nous avons des inquiétudes sur les financements des aides au développement. Ce prix Nobel peut avoir des effet d'entraînement profitables.»
* Directeur du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
Patrick Yéni
« Fantastique »Le Pr Patrick Yéni* dirige le rapport bisannuel « Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH », qui réunit les recommandations du groupe d'experts. «Cette nouvelle est fantastique pour ceux qui, comme moi, font de la recherche clinique sur les nouveaux médicaments, des recherches qui, comme beaucoup d'autres, sont directement en aval du travail accompli par Françoise Barré-Sinoussi. C'est une forme de reconnaissance morale. D'ailleurs, les applications de cette recherche sont symbolisées par les “rapports” publiés régulièrement tous les deux ans depuis 1996. L'évolution de leur contenu témoigne des adaptations de la prise en charge des malades. La dernière version est adaptée aux progrès thérapeutiques accomplis. Elle se distingue des précédentes par un développement plus important de thèmes traitant du dépistage, de la prévention et des mesures à prendre devant les difficultés sociales. Des dimensions qui apparaissent maintenant très importantes.»
* Maladies infectieuses et tropicales, hôpital Claude-Bernard, Paris.
Le scepticisme américain
Robert Gallo
«Je félicite les gagnants du prix Nobel. Je suis heureux que mon vieil ami et collègue, Luc Montagnier et sa collègue Françoise Barré-Sinoussi aient reçu cet honneur. J'ai été heureux de lire que Luc Montagnier ce matin ait déclaré que je méritais également le prix.»
Anthony Fauci*
«Gallo a participé de façon énorme à la découverte. C'est une honte que le prix ne puisse être attribué à quatre personnes, parce que la contribution de Gallo à ces recherches est énorme. C'est le travail de Gallo qui a permis d'établir de façon définitive que le VIH est la cause du sida. Il a fait le lien de façon définitive entre le virus et la maladie.»
* Directeur du NIH
La presse US unanime
« The New York Times » : «Le comité du Nobel a omis manifestement Robert Gallo.»
« USA Today » : «Gallo… a aussi parlé avant l'équipe française devant la presse de sa découverte.»
« Baltimore Sun » : «Le comité des Nobel snobe Gallo.»
« Newsweek » : «Un prix Nobel de médecine choquant.»
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