Immunothérapie sublinguale dans l'allergie

Une irrésistible ascension

Publié le 25/03/2004
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LES Prs Guy Dutau (Toulouse) et Pierre Scheinmann et le Dr P. Rufin (hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris) ont passé en revue toutes les études montrant l'efficacité de l'immunothérapie spécifique dans la rhinite allergique et l'asthme allergique, sous forme sous-cutanée (Scit) ou sublinguale (Slit), cette dernière gagnant progressivement du terrain, en particulier chez l'enfant. Même si les orateurs ont pris garde d'opposer les deux techniques qui gardent leurs indications, ils soulignent que la Slit a fait la preuve d'une efficacité équivalente, sans exposer aux effets secondaires rares mais parfois redoutables d'une Scit pratiquée dans de mauvaises conditions.
Le Pr Guy Dutau a tout d'abord passé en revue les études et métaanalyses qui démontrent l'efficacité de l'immunothérapie spécifique dans son ensemble. Dans la rhinite allergique, la métaanalyse de Ross et coll. (16 études en simple ou double aveugle publiées entre 1966 et 1996, portant sur un total de 759 patients), l'amélioration des symptômes est significative (OR = 1,81) et le recours à des médications symptomatiques diminue (p < 0,05). Dans l'asthme allergique, les métaanalyses de Ross (24 études publiées entre 1966 et 1998) et celle, plus récente, d'Abramson (75 études publiées entre 1954 et 2001, ayant inclu près de 3 200 patients) : dans les deux cas, on observe une diminution de la symptomatologie et des recours aux bonchodilatateurs, une baisse de l'hyperréactivité bronchique spécifique ou non, une amélioration des fonctions respiratoires...
Le Pr Guy Dutau s'étonne du fait que les Anglo-Saxons discutent toujours de l'efficacité de la désensibilisation dans l'asthme, alors que la quasi-totalité des travaux publiés l'ont été en anglais... Toutefois, le Pr Dutau pense que les réticences anglo-saxonnes s'expliquent moins par l'existence de quelques études discordantes en termes d'efficacité que par les quelques accidents graves qu'ils ont eu à déplorer, en raison d'une utilisation anarchique de ces techniques. Le développement de la Slit fera-t-il évoluer les Anglo-Saxons ? En tout cas, poursuit le Pr P. Scheinmann, la voie sublinguale représente déjà 70 % des désensibilisations.

Des études confirment l'efficacité de la Slit.

Si la Slit est apparue il y a une quinzaine d'années, ses débuts ont été un peu chaotiques, en particulier parce que les doses initialement utilisées n'étaient pas toujours adéquates. Mais, progressivement, des essais cliniques sont venus confirmer l'équivalence d'efficacité. Ainsi l'étude de Di Rienzo a montré l'efficacité à long terme de la SLIT chez des enfants présentant des rhinites et asthmes allergiques, avec un bénéfice persistant cinq ans après l'arrêt du traitement. D'autres études pourraient être citéesn, mais une mention particulière doit être faite à celle de Kinchi et coll. qui, en double aveugle, en double placebo (étude randomisée contrôlée), permet de comparer la Scit et la Slit chez 71 patients présentant un rhume des foins consécutif à une exposition au pollen de bouleau, les patients recevant soit une Scit, soit une SLIT, soit un placebo. Ils ont été suivis pendant deux saisons consécutives après une saison de référence, les critères d'évaluation comprenant les scores cliniques (symptôme de la rhinite et de l'asthme), la prise de médicaments, les effets secondaires et la qualité de vie.
En terme d'efficacité, les auteurs ne constatent pas de différence significative entre les deux traitements actifs, ceux-ci se montrant significativement plus efficaces que le placebo (même si la sévérité des symptômes a un peu plus diminué avec la Scit : 66 % contre 50 %). En outre, le profil de tolérance de la Slit apparaît supérieur : aucun effet secondaire de grade 3 ou 4, contre un de grade 4 et cinq de grade 3 dans le groupe Scit.
Pour le Pr Scheinmann, l'absence de risque d'accidents graves et systémiques est un élément fondamental, ce qui a permis l'élaboration de protocoles simplifiés avec des doses initiales importantes, une période d'escalade posologique relativement courte.

La Slit en pratique.

Le Dr Pierre Rufin a précisé les modalités d'administration de la Slit en sachant que les doses utilisées sont généralement de 50 à 60 fois supérieures à celles utilisées en sous-cutané. L'allergène est autoadministré le matin avant le repas et il doit être conservé pendant deux minutes sous la langue.
La tolérance est remarquable et les effets secondaires sont rares, les doses d'entretien étant généralement atteintes en trois à quatre semaines. La durée de traitement est équivalente à celle de la Scit, comprise entre trois et cinq ans.
Les avantages de la Scit sont donc nombreux, mais le Dr Rufin tient à souligner que la prise quotidienne de l'allergène représente une astreinte parfois source d'observance insuffisante, notamment chez l'adolescent. Par ailleurs, l'enfant trop petit a des difficultés à garder l'allergène pendant deux minutes sous la langue et il a tendance à l'avaler. Enfin, dans le cas des familles divorcées, le changement de domicile peut être une source importante d'oubli (l'idéal étant d'avoir un flacon dans chaque domicile).
Par ailleurs, il est théoriquement possible de mener de front une immunothérapie double mais, comme dans la voie sous-cutanée, on ne peut pas mélanger les allergènes et leur administration doit être séparée d'environ une heure ; ce qui conduit le Dr Rufin à préconiser une administration le matin et une autre le soir, car on ne peut demander à un enfant de se lever à l'aube tous les jours pour se traiter. Au total, tous les auteurs s'accordent pour dire que la Slit doit, de par sa très bonne tolérance, faire tomber les craintes qu'a pu engendrer la désensibilisation. A contrario, il ne s'agit pas de dire que la Scit a vécu car, dans certains cas, il est plus réaliste de proposer une injection mensuelle, l'observance quotidienne paraissant une gageure, soit parce que l'enfant est trop petit, soit parce qu'il s'agit d'un adolescent ne voulant pas se plier à une discipline de vie jugée trop stricte.

(1) Un symposium satellite Stallergènes dans le cadre du Congrès international de pneumologie pédiatrique à Lisbonne.

&gt; Dr ALAIN MARIÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7507