THEATRE
B RUNO Bayen a traduit et met en scène cette pièce méconnue en France de l'auteur de « Faust ». Curieusement, il la monte en prenant ses distances, comme si cette « pièce pour ceux qui s'aiment » ne le convainquait pas complètement. C'est une comédie, mais faut-il s'en moquer, se moquer des personnages ? C'est aussi un mélo, pourquoi le refuser ? D'excellents acteurs, en tête desquels Arsinée Khanjian, Sylvie Testud, Hugues Quester, se plient à la loi destructrice de cette curieuse conception. On est déçu parce qu'on a le sentiment que le metteur en scène ne se fait pas confiance.
C'est une histoire pleine de sentiments, et même de sentimentalisme, de larmes, d'élan. Une histoire d'inconstance enfantine du côté de l'homme, de constance et de renoncement du côté des femmes.
Stella (Sylvie Testud), abandonnée par son amant, vit seule loin du monde et de toute coquetterie. Cécile (Arsinée Khanjian), abandonnée par son mari, doit se résoudre à placer sa fille unique comme femme de compagnie de Stella. Le volage Fernando revient... Il est l'amant, il est le mari.
Histoire romanesque à laquelle Goethe donna deux dénouements. A vingt-cinq ans, il écrivit une conclusion heureuse qui heurta les esprits de son temps. Trente ans plus tard, il composa une fin tragique. Bruno Bayen n'a pas voulu choisir et entrelace la première version et son repentir, ce qui est une jolie façon de rendre hommage à l'uvre et à l'auteur.
Il s'est entouré d'une équipe artistique forte et le spectacle est très soigné (décor de Michel Millecamps, costumes étonnants de Cécile Feilchenfeldt, lumières de Bertrand Couderc). La distribution est forte. Mais pourquoi exercer cette corrosive ironie ? Pourquoi, après avoir traduit avec scrupule et inspiration le texte, pourquoi, après avoir décidé de le monter, prendre ses distances et creuser un fossé, pourquoi contraindre le public à une position de spectateur supérieur qui juge au lieu de se laisser porter par la comédie ? C'est le mystère de cette proposition déconcertante dont on ne saisit pas l'intérêt artistique, si on peut en concevoir les raisons intellectuelles. C'est d'autant plus dommage que les commentaires qu'injecte la mise en scène, tout spectateur est capable de les formuler lui-même... Pourquoi ne pas le laisser au seul plaisir de la découverte d'une pièce jamais représentée en France et ici défendue par des comédiens ardents, sensibles, intelligents ?
Les interprètes ne semblent pas franchement convaincus qui doivent sans cesse briser la sincérité - l'effet de sincérité - pour se livrer à des facéties puériles. On ne veut pas croire qu'il s'agisse là de l'humour du traducteur et metteur en scène qui a prouvé souvent qu'il est homme de finesse.
MC93 de Bobigny, grande salle, du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30. Durée : 2 h 20, entracte compris. Jusqu'au 12 mai (01.41.60.72.72). La traduction de Bruno Bayen paraît aux éditions de L'Arche. Le spectacle sera ensuite présenté au Théâtre national de Strasbourg, qui le coproduit.
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