Si l'athérogénicité des LDL, et en particulier de l'apoB est parfaitement démontrée, le (ou les) mécanisme(s) de cette athérogénicité reste(nt) en revanche mal compris. Une hypothèse ancienne, formulée, dès 1949, par Mogen Faber, selon l'éditorial de « Nature », fait intervenir les protéoglycanes de la matrice extracellulaire. Une affinité entre protéoglycanes et lipoprotéines pourrait, en effet, rendre compte de l'accumulation subendothéliale de ces dernières dans la paroi artérielle. Longtemps, l'hypothèse est restée hors de portée de l'expérimentation. Et c'est à sa vérification qu'une équipe suédoise vient de procéder, en utilisant diverses lignées de souris transgéniques.
Ces lignées, cinq en tout, sont recombinantes pour le gène codant l'apoB 100 humaine. Selon les lignées, le gène est normal ou mutant. Et dans ce dernier cas, l'apoB 100 résultante porte diverses substitutions d'acides aminés, aboutissant à l'inactivation du site de fixation au récepteur LDL, du site de fixation aux protéoglycanes ou encore des deux sites.
Les animaux ont été nourris durant 20 semaines avec un régime athérogénique, après quoi, les lésions ont été évaluées au niveau aortique. Dans les trois lignées exprimant une apoB 100 mutée, possédant une affinité réduite pour les protéoglycvanes, l'athérosclérose était moins avancée que dans la lignée exprimant une apoB 100 normale ou une apoB 100 mutée exclusivement au niveau du site de fixation au récepteur LDL.
Une apoB 100 normale ou mutée
Les auteurs ont par ailleurs vérifié que les particules LDL incorporant une apoB 100 normale ou mutée traversent de la même manière la barrière endothéliale de la paroi artérielle, sont également susceptibles à l'oxydation, présentent les mêmes propriétés pro-inflammatoires vis-à-vis des macrophages, enfin, sont captés par les macrophages selon la même cinétique.
Une dernière série d'expériences, menée chez des souris déficientes pour le récepteur LDL, a montré une normalisation de l'athérogenèse, alors même que les animaux exprimaient une apoB 100 doublement mutée au site de fixation au récepteur et au site de fixation aux protéoglycanes. Ce résultat est apparemment contradictoire avec l'hypothèse initiale, puisqu'il suggère un rôle de la fixation des LDL au récepteur et non aux protéoglycanes. Les auteurs en donnent toutefois l'interprétation suivante. En l'absence de récepteur LDL, le taux d'apoE augmente. Or, l'apoE est connue pour favoriser la fixation des LDL aux protéoglycanes. L'élévation de son taux viendrait donc compenser l'affinité diminuée de l'apoB 100 mutante pour les protéoglycanes. L'athérogenèse normale observée serait donc la résultante de deux transformation contradictoires, l'affinité réduite de l'apoB 100 d'un côté et, de l'autre, le taux élevé d'apoE favorisant la fixation des LDL.
Sur la base de ces résultats, les auteurs concluent que « l'athérosclérose est amorcée par la rétention sub-endothéliale de lipoprotéines athérogéniques ».
Un mécanisme général de l'athérogenèse
Cette affirmation, pour le moins tranchée, demande quelques nuances, qu'apporte l'éditorial (Bart Staels, institut Pasteur de Lille). En premier lieu, l'athérosclérose pouvant survenir en présence de taux normaux de LDL, on peut se demander si l'interaction entre apoB 100 et protéoglycanes est bien un mécanisme général de l'athérogenèse. L'éditorial suggère notamment de s'intéresser à la relation entre le mécanisme décrit par les Suédois et l'inflammation. En second lieu, on peut se demander si l'apoB 100 est bien l'acteur principal de l'interaction entre LDL et protéoglycanes. L'apoE, notamment, dont les taux sont élevés chez les diabétiques de type II, est un autre candidat. En troisième lieu, même si l'interaction entre LDL et protéoglycanes est centrale, d'autres facteurs interviennent certainement. A niveau égal de LDL, l'athérosclérose ne se développe pas au même rythme chez tous les individus, ni de manière uniforme le long des vaisseaux d'un individu. Des facteurs locaux interviennent donc certainement comme des perturbations du flux sanguin ou des variations de la composition des protéoglycanes. La réponse inflammatoire est d'ailleurs elle-même susceptible d'augmenter l'expression des protéoglycanes. Quatrièmement, la question se pose d'une interaction entre LDL et protéoglycanes intervenant uniquement lors de la constitution de l'athérosclérose ou persistant dans les étapes ultérieures. L'éditorial note à ce propos que chez les souris exprimant une apoB 100 mutante, la formation des lésions n'a été que ralentie. Enfin, classiquement, il conviendrait d'examiner chez l'homme la signification de résultats obtenus chez l'animal. Existe-t-il, par exemple, des mutations naturelles du gène apoB 100 susceptibles de réduire l'affinité de la protéine pour les protéoglycanes ? Il serait évidemment intéressant de rechercher de telles mutations chez des octogénaires en bonne santé.
Le mécanisme décrit par les Suédois présente cette particularité de suggérer une piste thérapeutique, des analogues de protéoglycanes, susceptibles de limiter la fixation des LDL dans la paroi vasculaire. Mais avant toute chose, ce mécanisme demande à être approfondi et replacé dans un ensemble.
K. Skalen et coll. « Nature », vol. 417, 13 juin 2002.
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