L'UNE DES MESURES PHARES annoncée par Roselyne Bachelot à l'issue des premiers travaux des EGOS (états généraux de l'organisation de la santé) est sans contexte la participation de l'Etat à la création de cent maisons de santé pluridisciplinaires, «à hauteur de 50000euros au maximum par projet».
Depuis des années, en effet, l'idée est dans l'air du temps.
Dès janvier 2001, un rapport de Dominique Polton, alors responsables du CREDES (1), préconisait leur implantation dans les zones périurbaines sensibles. En juin 2003, le sénateur Charles Descours en proposait aussi la création dans son rapport sur la démographie des professions de santé. A la fin 2006, le PS comme l'UDF prônaient le développement de ces maisons de santé dans le cadre de leur projet présidentiel. Enfin, à l'automne dernier, le rapport du sénateur Jean-Marie Juilhard mettait également l'accent sur la nécessité de leur création.
Les maisons de santé pluridisciplinaires semblent en effet répondre de plus en plus à une demande réelle des professionnels de santé et des étudiants, qui souhaitent lutter contre l'isolement, que ce soit en zones rurales ou périurbaines, souvent déficitaires en offre de soins. Elles permettent en outre de mutualiser les charges locatives ou administratives. Elles seraient actuellement au nombre d'une centaine en France, selon les chiffres de MG-France, et une centaine de projets seraient dans les cartons avant même l'annonce des aides à la création.
Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF, sans s'opposer frontalement au projet, tire malgré tout le signal d'alarme : «La solution des maisons de santé ne doit en aucun cas être généralisée à la France entière sous peine de porter une atteinte grave à la médecine libérale», prévient-il.
L'expertise de l'Ordre.
Pour le Dr André Deseur, membre du Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) chargé de la communication, une maison de santé, à condition que «son lieu d'implantation soit bien choisi», a beaucoup d'avantages. Elle permet, «dans un secteur qui risque d'être démuni en offre de soins, un regroupement de professionnels de santé. Elle permet de maintenir la continuité des soins». Mais attention : «Si l'offre de soins y est déjà suffisante, cela risque de ne pas marcher, et s'il n'y a pas de population suffisante, cela marchera encore moins.»
Quant au reproche parfois formulé sur le risque de cannibalisation de la patientèle locale par les maisons de santé, au détriment des médecins déjà installés et qui exercent en solitaire, André Deseur n'y croit guère : «Les médecins déjà installés doivent et peuvent être intégrés au projet, et de futures adaptations législatives pourraient permettre le rachat ultérieur de leur patientèle par ces maisons de santé.» Le Dr Deseur ajoute que les conseils départementaux de l'Ordre pourront apporter leur expertise pour les études de plans, de lieux d'implantation, et même pour «servir d'interface avec les médecins déjà en place». Enfin, sur le financement de ces projets, André Deseur reconnaît que l'aide des pouvoirs publics (50 000 euros) sera insuffisante : «Il faudra la croiser avec les aides des collectivités locales et territoriales, sans perdre de vue qu'il s'agit de projets médicaux, et non électoraux.»
A MG-France, le Dr Martial Olivier-Koehret est sur la même longueur d'onde que l'Ordre sur la nécessité de créer ces maisons de santé. Sur le financement, il se veut philosophe : «Une maison de santé nécessite en moyenne des investissements de l'ordre de 1 à 2 millions d'euros selon sa taille. L'aide des pouvoirs publics n'est donc pas à la hauteur, mais nous avons l'habitude. Nous irons voir tous les généralistes les uns après les autres pour les convaincre d'investir eux-mêmes dans ces projets. » Et une mise en garde pour finir : «Je peux comprendre l'inquiétude des médecins déjà installés face à des projets d'implantation de maisons de santé, mais s'ils veulent que leur retraite soit payée, ils ont un intérêt vital à ce que les étudiants choisissent la médecine générale.» Or, selon des statistiques de l'Ordre, les étudiants considèrent à 93 % que la création des maisons de santé dans les zones sous-médicalisées constitue une «mesure convaincante» pour attirer les professionnels de santé.
Et donc aussi pour rendre plus attractive la médecine générale.
(1) Centre de recherche et de documentation en économie de la santé. Depuis, le centre est devenu l'institut et le CREDES est devenu l'IRDES.
Définition
Selon le rapport du sénateur Jean-Maric Juilhard, rendu public à l'automne 2007, une maison de santé «naît de l'aspiration de professionnels à rompre avec un exercice isolé et à regrouper dans un même lieu plusieurs professions médicales. Une telle structure permet de créer des synergies lorsque la couverture médicale de la zone se fragilise. L'ambition est de développer une pratique médicale plus collective et mieux organisée. Le noyau dur d'une maison de santé est généralement constitué d'un ou de plusieurs médecins généralistes et infirmiers exerçant à temps plein. D'autres professionnels interviennent à temps partiel: médecins spécialistes, dentistes, kinés, diététiciens et, le cas échéant, des psychologues et des ergothérapeutes. Une maison de santé n'est donc pas la juxtaposition de cabinets médicaux individuels, ni un simple projet immobilier ou technique. Elle se construit autour d'actions en direction de la population. Ces structures sont susceptibles de rendre l'exercice de la médecine de premier recours plus attractif dans les zones rurales et périurbaines, grâce à une meilleure répartition des tâches entre les professionnels.»
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