DANS UN MONDE humanitaire généralement partagé, l'initiative de Pierre Micheletti suscite des réactions intéressées, sinon favorables. (AFP)
Le Dr Xavier Emmanuelli (président du Samu social international) : attention à ne pas tomber dans l'arabocentrisme.
« Après tous les événements politiques et militaires des dernières années, l'humanitaire est de plus en plus perçu dans les pays du Sud comme une émanation de l'Occident. Avec son projet d'implantation au Qatar et en Inde, Pierre Micheletti entérine cette situation et il franchit le pas vers un rééquilibrage géopolitique. Il ne faudrait pas, dans la manoeuvre, prêter maintenant à un arabocentrisme qui ne saurait être la solution de nos problèmes. Malgré tout, l'humanitaire est et doit rester universel. »
Le Pr Alain Deloche (président de la Chaîne de l'espoir) : « Gommer l'appellation ONG française ».
« Pierre Micheletti a sûrement raison quand il s'emploie à gommer, par ce projet, l'appellation d'ONG française, ou européenne. Avec la Chaîne, nous le rejoignons dans cette stratégie, mais peut-être pas avec les mêmes tactiques. Pour nous, le coeur de nos activités, ce sont des réalisations implantées dans des pays où la notion d'association française devient secondaire : à Kaboul, avec notre hôpital, nous sommes afghans, en Iran, nous sommes iraniens, à Bagdad, demain, nous serons irakiens. L'eurocentrisme, dans tous ces pays, n'est pas de mise. »
Malika Saïm (directrice des opérations de MSF) : une nouvelle donne à l'étude.
« Effectivement, l'origine de la philanthropie humanitaire est européenne : suisse avec la Croix-Rouge, française avec le sans-frontiérisme, ou anglo-saxonne avec Oxfam. Et, depuis une dizaine d'années, on assiste à une confusion entre cette identité occidentale et des initiatives politiques, militaires, économiques de toutes sortes. Des armées ou des multinationales prétendent mener des actions humanitaires partout dans le monde. Les problématiques liées au terrorisme et à la guerre menée contre lui aggravent encore l'amalgame et, finalement, c'est le concept d'humanitaire qui risque d'être piégé.
À MSF, également, nous réfléchissons à une nouvelle donne. Nous avons créé en 1992 un bureau de représentation à Dubaï, surtout dédié à des activités de collecte de fonds. Mais, avec MSF Japon et MSF Australie, nous étudions actuellement la possibilité de créer une plate-forme dans les émirats, dotée d'une entité et d'un board autonome, une plate-forme pour mener des opérations dans le monde arabo-musulman. »
> PROPOS RECUEILLIS PAR CH. D.
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