La régulation sensorielle est l'un des facteurs clés de notre comportement alimentaire. Les signaux visuels, gustatifs et olfactifs peuvent nous conduire à consommer un aliment ou, au contraire à le rejeter. Un phénomène qui se vérifie aisément. En effet, une assiette bien présentée, composée de mets fins et colorés, à l'odeur alléchante aiguise notre appétit. L'inverse est également vrai.
Les processus olfactifs jouent un rôle déterminant dans nos comportements alimentaires. Dans le monde animal, mais aussi, humain, l'odorat permet d'évaluer la sécurité d'un repas potentiel, en déclenchant des mécanismes aboutissant à des comportements d'approche ou d'évitement (1). « Cette caractéristique montre que l'olfaction est un facteur essentiel dans la survie des espèces. En conséquence, il a été démontré qu'un dysfonctionnement du système olfactif pourrait être associé à la survenue de maladies importantes, y compris des troubles liés à l'alimentation », souligne Edgar Soria, chercheur à l'Inserm, neurocentre Magendie à Bordeaux,
Des mécanismes complexes permettent au cerveau de traiter les différentes odeurs que nous rencontrons au quotidien. Par ailleurs, les circuits olfactifs sont sensibles aux changements du bilan énergétique de l'organisme (2). La sensation de faim est également stimulée par l'interaction de plusieurs facteurs physiologiques telles que les signaux hormonaux et peptidergiques. « Il a été montré que les circuits olfactifs et les processus olfactifs sont sous influence positive de la ghréline (hormone stimulant l'appétit, produite principalement par les cellules gastro-intestinales pendant un déficit énergétique) chez les humains et les rongeurs. À l’inverse, la satiété et les molécules qui inhibent l'appétit (leptine, insuline) induisent une diminution de la sensibilité olfactive », indique Edgar Soria.
Le rôle du système endocannabinoïde
Outre les facteurs hormonaux, les structures olfactives sont capables de détecter l'état interne de l'organisme ; elles sont notamment, sensibles à la quantité de glucose périphérique (3). Dans son laboratoire, Edgar Soria et son équipe ont montré qu’un autre système provoque l'augmentation de l'olfaction pendant la faim et explique notre attirance pour la nourriture (4) : le système endocannabinoïde. Comme son nom l'indique, ce dernier est sensible aux substances cannabinoïdes telles que le cannabis. Situé principalement dans le cerveau, il contient des récepteurs, appelés CB1, impliqués dans l’apparition de différentes sensations telles que l'euphorie, l'anxiété ou la douleur. Ces récepteurs CB1 contrôlent le circuit qui connecte le bulbe olfactif et le cortex olfactif. « Quand l'organisme a besoin d'énergie, les récepteurs CB1 s'activent induisant une meilleure réponse olfactive. Autrement dit, lorsque nous avons besoin de manger, notre cerveau induit tout un ensemble de mécanismes qui conduisent à une augmentation de la sensibilité aux odeurs. Ainsi, il est possible que ce circuit soit altéré chez les patients obèses ou anorexiques. En conséquence, leur sensibilité aux odeurs est plus ou moins forte par rapport à la normale, ce qui provoque la prise ou la perte excessive de poids », explique Edgar Soria. Dans ces conditions, le lien entre l'olfaction et l'apport alimentaire gagnerait à être mieux compris pour servir de stratégie potentielle de lutte contre les conséquences des maladies métaboliques. « Le défi pour l'avenir consiste à identifier la façon dont les mécanismes moléculaires communs interagissent les uns avec les autres dans la modulation du comportement alimentaire et des processus olfactifs », conclut Edgar Soria.
(1) Nikitin et al. 2008 ; Chapuis et al. 2009
(2) Apelbaum et Chaput 2003; Palouzier-Paulignan et al. 2012
(3) Delaere et al. 2013
(4) Soria-Gomez et al. 2014
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