27-29 juin 2006 - Paris
ON DISTINGUE deux grands types de carcinomes cutanés épithéliaux. Les carcinomes basocellulaires, les plus fréquents (les deux tiers des carcinomes cutanés chez le sujet immunocompétent), sont des tumeurs d’évolution lente, essentiellement locale, qui ne métastasent pour ainsi dire jamais.
Les carcinomes spinocellulaires ont, eux, une évolution locale beaucoup plus agressive et peuvent métastaser.
Bien que développés aux dépens de la même cellule, le kératinocyte, ces deux cancers ont une physiopathogénie et un comportement différents.
Sur peau saine.
Le carcinome basocellulaire (CBC) ne survient pas sur une lésion précancéreuse, dans plus de 85 % des cas, il apparaît sur une peau antérieurement saine, au niveau des zones photoexposées.
Typiquement, le CBC est une lésion perlée, papule arrondie translucide, télangectiasique, mais il existe différentes formes d’aspect et de gravité variables. La forme nodulaire est une tumeur ferme, lisse, bien limitée, pouvant simuler une lésion kystique. La forme sclérodermiforme se manifeste par une lésion mal limitée, plus infiltrante, plus agressive (des formes infiltrantes intermédiaires entre le carcinome nodulaire et le carcinome sclérodermiforme existent). La forme ulcéreuse siège surtout dans les plis (sillon naso-génien, sillon rétro-auriculaire), et a fréquemment une évolution extensive et destructrice. Le carcinome superficiel se caractérise par une évolution très lente. Enfin, les formes pigmentées font discuter les tumeurs mélaniques.
Le diagnostic de CBC suspecté cliniquement sera confirmé par une analyse biopsique qui permettra d’en préciser le type histologique et d’adapter le geste thérapeutique.
L’exposition solaire est le facteur causal le plus important : plus de 80 % des cancers cutanés surviennent sur des zones photoexposées, et le risque est fonction de la durée et de l’intensité des expositions (expositions intermittentes aiguës sur une peau non préparée, expositions répétées sur de longues années).
Le soleil, soit directement par le biais des UVB, soit indirectement par la génération de radicaux libres (rayonnement UVA), peut altérer le génome des cellules. Les dangers du rayonnement solaire sur la peau sont étroitement liés au phototype cutané, les peaux les plus claires (avec des taches de rousseurs) sont beaucoup plus à risque que les peaux de phototype foncé.
Les autres facteurs carcinogènes sont essentiellement les rayons ultraviolets (cabines UV, photothérapie) et les radiations ionisantes.
Des facteurs génétiques interviennent dans des maladies congénitales rares, comme le Xeroderma pigmentosum, lié à anomalie autosomique récessive du système enzymatique de réparation de l’ADN, et la naevomatose basocellulaire, qui associe des anomalies du développement à des cancers multiples, dont les carcinomes basocellulaires. Elle est liée à des mutations sur un gène codant pour le récepteur Patched, impliqué dans le développement embryonnaire.
Le carcinome spinocellulaire.
Le carcinome spinocellulaire, contrairement au CBC, survient volontiers sur une lésion précancéreuse (kératoses actinique, radiodermite, brûlure, etc.) et donne des métastases ganglionnaires ou viscérales.
Il s’agit typiquement d’une lésion croûteuse, jaunâtre, indurée, avec une ulcération centrale, mais il peut prendre aussi un aspect végétant ou bourgeonnant.
Tout carcinome spinocellulaire doit être considéré comme potentiellement agressif ; néanmoins, il existe des formes de faible malignité, telles que le carcinome intraépithélial (in situ) ou la maladie de Bowen.
Les facteurs pronostiques à prendre en compte sont : le diamètre, la profondeur de l’invasion, le degré de différenciation histologique, l’existence d’un neurotropisme, le site (muqueuse, pavillon de l’oreille), le terrain (immunosuppression), la notion de lésion récidivante.
L’exposition solaire chronique est le facteur causal principal. Le soleil est responsable de la formation de lésions précancéreuses sur la peau photoexposée. Ces lésions peuvent régresser spontanément ou, au contraire, se transformer en carcinome spinocellulaire. Les phototypes clairs sont les plus touchés.
Autre facteur carcinogène important : l’infection par des papillomavirus oncogènes : les HPV semblent jouer un rôle dans la survenue des carcinomes épidermoïdes cutanés chez des sujets transplantés et immunodéprimés et dans l’épidermodysplasie verruciforme. Dans ces deux situations, les UV jouent un rôle dans le développement des lésions qui sont, le plus souvent, localisées aux zones photoexposées.
Les recommandations récentes.
Des recommandations pour la prise en charge des carcinomes cutanés ont été publiées récemment (1-2).
Le geste thérapeutique dépend de l’analyse histologique de la tumeur qui permet de confirmer le diagnostic et de définir son degré de gravité, sa taille, sa localisation et son caractère primitif ou récidivant.
La chirurgie est le traitement de choix des CBC. Les marges d’exérèse varient de 3-4 mm pour les tumeurs de bon pronostic à 5 mm pour les tumeurs bien circonscrites, et à plus de 10 mm pour les formes récidivantes et les formes sclérodermiformes.
«Dans ces conditions, le traitement va de la simple exérèse suture en ambulatoire à la chirurgie micrographique de Mohs ou à l’exérèse en deux temps, avec reconstruction plastique sous anesthésie générale», explique le Pr Bernard Guillot (Montpellier).
La radiothérapie est réservée aux formes inopérables. La cryochirurgie est une alternative à la chirurgie pour les CBC superficiels ou les formes nodulaires bien limitées et inférieures à 1 cm. L’imiquimod (Aldara), première molécule d’une nouvelle classe de médicaments médiateurs de la réponse immunitaire, est réservé aux petits CBC superficiels.
Le choix du traitement des carcinomes spinocellulaires repose sur les caractéristiques tumorales et les facteurs pronostiques cités précédemment.
Le traitement est chirurgical dans la majorité des cas. La marge initiale en tissu sain recommandée est d’au moins 4 mm pour les tumeurs de bon pronostic et de 6 à 10 mm pour les tumeurs à haut risque. Une chirurgie en deux temps ou une chirurgie micrographique de Mohs peut être proposée en fonction du geste à réaliser.
La radiothérapie (radiothérapie externe conventionnelle ou curiethérapie) est indiquée chez les patients inopérables, et spécialement en cas d’excision incomplète de la tumeur, lorsqu’une nouvelle exérèse n’est pas possible ou en cas de récidive. Elle a également sa place en cas d’atteinte ganglionnaire (complétant le curage ganglionnaire) et/ou de métastases.
Etant donné le risque de récidive et le risque élevé de survenue d’une deuxième tumeur cutanée, une surveillance régulière des patients s’impose, avec un bilan annuel au moins pendant cinq ans et, si possible, la vie durant.
Les carcinomes cutanés avec le Groupe français de cancérologie cutanée.
Séance présidée par les PrS Louis Dubertret (hôpital Saint-Louis, Paris) et Pierre Souteyrand (Hôtel-Dieu, CHU de Clermont-Ferrand).
1. Anaes 2004. Recommandations pour pratique clinique : prise en charge du carcinome basocellulaire de l’adulte. Ann Dermatol Venereol 2004 ; 131: 665-756.
2. National Comprehensive Cancer Network. Non Melanoma Skin Cancer. Jenkintown : Nccn 2003.
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