De notre correspondante
L'HYPOTHYROÏDIE congénitale, survenant chez un nouveau-né sur 3 000, peut être due à une malformation de la thyroïde ou à une production insuffisante d'hormones thyroïdiennes. Ces hormones sont essentielles au développement normal du cerveau, à la croissance et au bon fonctionnement physiologique. Le dépistage néonatal systématique de l'hypothyroïdie congénitale est ainsi effectué dans de nombreux pays, afin de traiter rapidement l'enfant atteint et de prévenir les symptômes, notamment le retard mental.
L'iode est un composant essentiel des hormones thyroïdiennes – T3 (ou triiodothyronine) qui contient trois atomes d'iode, et T4 (ou thyroxine ou tétraiodothyronine) qui en contient quatre. Pour garantir la disponibilité de l'iode pour la biosynthèse des hormones thyroïdiennes, deux systèmes hautement spécialisés ont été mis en place dans les cellules thyroïdiennes. L'un, le symporteur sodium/iode, capte l'iode sanguin provenant de l'alimentation. L'autre recycle l'iode à travers la désiodation (ou déshalogénation) des iodotyrosines, les principaux sous-produits iodés de la synthèse des hormones thyroïdiennes.
Le gène DEHAL1.
L'identité moléculaire de l'enzyme responsable de la déshalogénation des iodotyrosines est longtemps restée inconnue. En 2001, Moreno et coll. ont identifié dans la thyroïde le gène DEHAL1, qui encode une enzyme capable de « désioder » les iodotyrosines.
Toutefois, il restait à apporter la preuve fonctionnelle ou génétique que la protéine DEHAL1 correspondait bien à l'iodotyrosine desiodase longtemps recherchée.
Une équipe européenne, dirigée par le Dr José Moreno (université de Rotterdam, Pays-Bas), prouve définitivement le rôle essentiel du gène DEHAL1 dans le métabolisme thyroïdien de l'iode. Elle a identifié chez quatre patients (dont deux soeurs) trois mutations homozygotes différentes du gène DEHAL1.
Ces quatre patients, issus de parents consanguins, ont déclaré une hypothyroïdie sévère associée à un goitre volumineux, soit dans la petite enfance (patients 1, 2, 3), soit dans l'enfance (patient 4 à l'âge de 8 ans).
Cette variabilité phénotypique est d'importance puisque seule l'hypothyroïdie méconnue durant les premières années de la vie peut entraîner un retard intellectuel. Cette variabilité pourrait être due à des facteurs environnementaux (variations de l'apport iodé alimentaire) et génétiques (selon le type de la mutation), selon les auteurs.
Deux patients ont présenté un déficit intellectuel dû au retard du diagnostic et donc du traitement (par lévothyroxine).
Des taux de diiodotyrosine très élevés.
Les deux patients dépistés à la naissance (les deux soeurs étant nées avant le dépistage systématique) présentaient des taux sanguins normaux de TSH. Cela souligne le fait que le dépistage néonatal ne détecte pas tous les patients atteints d'hypothyroïdie congénitale, et qu'il est donc important de surveiller régulièrement le développement des enfants. Les taux sériques de diiodotyrosine, dosés chez deux patients, étaient très élevés.
L'évaluation de l'activité enzymatique des protéines DEHAL1 mutées a révélé l'absence ou une réduction majeure de la capacité à désioder les iodotyrosines.
«En conclusion, nous avons montré que des mutations homozygotes du gène DEHAL1 apparaissent causer un déficit en iodotyrosine desiodase, qui aboutit à une hypothyroïdie héréditaire avec goitre», déclarent les auteurs (dont les Drs Pinto et d'Alessandro de l'hôpital Necker - Enfants Malades et le Dr Léger de la Pitié-Salpêtrière, à Paris).
Pour le Dr Peter Kopp (Northwestern University, Chicago), auteur d'un éditorial, il est possible «qu'un sous-groupe d'adultes euthyroïdiens ou légèrement hypothyroïdiens porteurs d'un goitre mais sans signe d'auto-immunité puissent avoir de légères anomalies de DEHAL1».
« New England Journal of Medicine », 21 avril 2008, pp. 1 811 et 1 856.
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