Le Dr George Venters, un consultant britannique en santé publique, propose une hypothèse alternative sur le lien entre prion et nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Pour étayer son propos, il se base sur de nombreux critères : plausibilité biologique, degré d'association, consistance, temporalité de l'association, spécificité, relation dose-réponse, qualité des preuves et réversibilité.
Pas de preuve directe de l'infectiosité
« Le prion de l'encéphalopathie spongiforme bovine est connu pour induire des encéphalopathies à prion lorsqu'il est ingéré par d'autres espèces ; par analogie, ce type d'infection pourrait aussi avoir lieu chez l'homme. Mais il n'existe pas de preuve directe de son infectiosité chez l'homme. Pour cela, il faudrait prouver que le prion reste infectieux, malgré les techniques de cuisson, la digestion et son interaction avec le système immunitaire humain », estime l'auteur. Le Dr Venters rappelle aussi que la scrapie, une autre maladie à prions, n'atteint jamais l'espèce humaine et que l'injection intrathécale de prions de l'encéphalopathie spongiforme bovine à des souris transgéniques capables de produire du prion humain ne s'accompagne d'aucun signe clinique ou biologique d'infection. Pour le médecin britannique, « dans tous les cas décrits, le degré d'association entre l'exposition au prion et l'occurrence de la maladie n'est jamais connu ». En outre, l'origine géographique quasi exclusive des cas (Grande-Bretagne) rend toute étude comparative impossible.
L'aspect de la temporalité est aussi longuement détaillé. Les signes cliniques de cette maladie pourraient en effet être similaires à ceux de la forme classique de la maladie de Creutzfeldt-Jakob et les différences sémiologiques pourraient être liées à une meilleure prise en charge. Le Dr Venters rappelle, en outre, que le nombre des cas humains n'a pas suivi de manière parallèle dans le temps le nombre des cas animaux, comme cela aurait dû être le cas dans une maladie nouvelle. « Enfin, la création d'une unité de centralisation des cas de la maladie de Creutzfeldt-Jakob peut avoir incité les médecins à rapporter des formes atypiques - du type de celle décrite par Creutzfeldt - en plus des formes classiques - décrites par Jakob », analyse l'auteur.
Aucun argument biologique
Pour le Pr Dominique Dormont (CEA, Orsay), interrogé par « le Quotidien », « ce texte, purement théorique, ne fait appel à aucun argument biologique. Dès les premières descriptions de la maladie, l'idée de la mise en évidence d'une forme rare liée à une déclaration plus systématique de l'affection a été soutenue par certains chercheurs. Le travail du Dr Venters est néanmoins le premier article scientifiquement argumenté à être publié dans une revue à audience internationale. Deux grands arguments s'opposent aux théories développées par le médecin britannique : le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob a principalement été décrit en Grande-Bretagne et les propretés biologiques du prion en cause dans la forme humaine sont superposables avec celles de l'agent bovin. Le "BMJ" a eu raison de faire paraître ce texte scientifiquement argumenté et il aura le mérite d'être le point de départ de discussions contradictoires d'une hypothèse biologique qui ne peut être écartée d'emblée ».
« BMJ », vol 323, pp. 858-861, 13 octobre 2001.
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