B IEN que la lombalgie et la sciatique soient un des motifs les plus fréquents de consultation, on n'en connaît pas vraiment la cause.
Dans la sciatique, Marshall a montré une élévation des immunoglobulines ; dans la radiculite discale, il existe un processus inflammatoire ; dans la hernie discale lombaire, il existe une association avec les cytokines, notamment l'interleukine-1 alpha ; chez l'animal, une lésion discale induite chirurgicalement induit une réaction inflammatoire dans le nucleus pulposus, avec production d'IgG dans les tissus avoisinants.
L'inflammation que l'on trouve autour des racines nerveuses pourrait être due à une réaction auto-immune locale. « L'inflammation associée à la sciatique pourrait aussi avoir une cause microbienne, probablement des microorganismes faiblement virulents, comme on en voit dans les infections de prothèse de hanche », supposent Alistair Stirling et coll. dans le « Lancet ».
Test ELISA et incubation longue
Dans un premier temps, chez 140 patients consultant pour une sciatique, cette équipe a fait un test ELISA basé sur un antigène exocellulaire (lipid S) produit par des bactéries gram+ ; ce test permet de reconnaître des infections à germes faiblement pathogènes, y compris le staphylocoque coagulase négative et les propionibactéries. Parmi ces 140 patients, 43 (31 %) avaient une élévation des IgG contre l'antigène lipid S. Or, aucun n'avait eu d'infection dans les six mois précédents.
Dans un deuxième temps, les auteurs se sont penchés sur 36 patients ayant une sciatique sévère (radiculite discale) qui ont subi une dissectomie. Des échantillons de disques enlevés ont été mis en culture. Après 7 jours d'incubation, chez 19 de ces 36 patients, on a mis en évidence des germes : Propionibacterium acnes (16), staphylocoque coagulase négative (2) et Corynebacterium propinquum (1). Chez 15 de ces 19 sujets, on a fait un test ELISA : 7 avaient un test positif pour l'antigène lipid S (en revanche, 16 des 17 patients à culture négative avaient un test ELISA négatif).
A titre comparatif, des tissus de dissectomie provenant de sujets contrôles (scoliose, traumatisme, myélome, maladie discale dégénérative) sont restés négatifs aux cultures après incubation longue.
Une brèche dans le disque
« Nous pensons que les patients avec sciatique ont une brèche dans l'intégrité du disque vertébral - probablement à la suite d'un traumatisme mineur -, brèche qui permet le passage d'un microorganisme peu virulent, d'où initiation ou stimulation d'une réponse inflammatoire avec apparition de symptômes. » Cette hypothèse cadre avec l'existence de protrusions discales asymptomatiques, découvertes à l'IRM, qui ne deviendraient symptomatiques qu'après une infection.
Ces vingt dernières années, poursuivent les auteurs, des germes commensaux - le staphylocoque coagulase négative et les propionibactéries - étaient considérés comme des contaminants lorsqu'on les isolait chez des patients ; ils sont maintenant de plus en plus reconnus comme des agents infectieux. « Tunney et coll. ont montré la présence de P. acnes et de staphylocoques coagulase négative in situ dans les articulations prothésées, lors de révisions d'arthroplasties. Nos résultats suggèrent aussi que ces microorganismes, particulièrement P. acnes, pourraient être associés à une infection chronique de bas grade dans les disques vertébraux des patients ayant une sciatique sévère. »
« Le fait qu'il faille incuber le matériel discal pendant sept jours pour isoler les propionibactéries pourrait expliquer pourquoi ces microorganismes n'ont encore jamais été associés à la sciatique. »
P. acnes produit de nombreux facteurs de virulence (lipase, protéinase, hyaluronidase, neuraminidase et phospholipase C), qui pourraient contribuer à sa pathogénicité. « Ces microorganismes peuvent provoquer des infections de prothèse de hanche ; ils pourraient aussi être associés à l'inflammation vue dans la sciatique et pourraient éventuellement être une cause primaire de ce trouble », concluent les auteurs.
« Lancet » du 23 juin 2001, pp. 2024-2025 (lettre).
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