Stress
Cette baisse de la natrémie est attribuée au stress créé par cet accident domestique et à une augmentation des apports (boissons et perfusion) dans le contexte du traitement des brûlures. Il est simplement conseillé au médecin traitant de recontrôler la natrémie dans un mois. La fonction rénale au moment de l'hospitalisation était normale (créatininémie à 93 µmol/l, clairance calculée de Cockcroft à 70 ml/min).
Epistaxis
Le contrôle ne sera effectué que trois mois plus tard, à l'occasion d'un épistaxis. Il confirme l'hyponatrémie à 128 mmol/l. Le patient n'exprime aucune plainte particulière. Ce nouvel épistaxis qui a duré quelques heures inquiète le patient car il s'agit d'une récidive. Huit mois auparavant, il avait présenté un saignement qui avait nécessité des tamponnades et une coagulation électrique en ORL. La cause hypertensive avait été écartée (142/82 mmHg sans traitement), ainsi que la cause médicamenteuse (pas de prise d'aspirine, ni d'autres antiagrégants plaquettaires).
Un nouveau bilan biologique plus complet est alors demandé dont les résultats sont les suivants : temps de saignement normal, taux de prothrombine et TCK normaux, CRP à 6 mg/l, natrémie : 128 mmol/l, kaliémie : 4 mmol/l, calcémie : 2,24 mmol/l, urée : 6 mmol/l, glycémie : 5,5 mmol/l, créatininémie : 103 µmol/l. Le bilan lipidique est normal, de même que le bilan hépatique. Présence d'une protéinurie à 1 g dans les urines de 24 heures. La natriurèse est à 154 mmol/l. Il existe une anémie : hémoglobine à 8,5 g/dl ; mais le nombre de plaquettes est normal (220 000). Les protides totaux sont à 128 g/l.
L'électrophorèse des protides montre un pic des gammaglobulines et le dosage pondéral donne 24 g d'IgG. Le myélogramme confirme le diagnostic de myélome (40 % de plasmocytes).
Commentaire 1
Une hyponatrémie survenant chez un patient qui a une fonction rénale normale est une anomalie qu'il importe d'éclairer. En effet, ce patient dont la clairance de Cockcroft est à 70 ml/min ne peut développer une hyponatrémie due à une hyperhydratation intracellulaire : absence d'insuffisance rénale, absence d'insuffisance cardiaque, absence d'insuffisance hépatique. S'agit-il d'une hyponatrémie secondaire à une déshydratation extracellulaire ? Rien ne l'évoque au plan clinique. La pression artérielle est normale. La natriurèse spontanée est normale, ce qui, en présence d'une fonction rénale normale, témoigne d'une volémie normale. Rien ne permettrait en effet d'évoquer une insuffisance surrénalienne. Cette hyponatrémie peut donc être classée parmi les formes normovolémiques.
Commentaire 2
Une hyponatrémie normovolémique avec fonction rénale normale peut exister lorsqu'il existe un syndrome inapproprié d'hormone antidiurétique (Siadh). Rien ne permet d'évoquer un Siadh d'origine néoplasique, dont la cause la plus fréquente est le carcinome pulmonaire à petites cellules. On peut observer un Siadh transitoire en phase postopératoire, lors de troubles de la ventilation pulmonaire (hypoxie, hypercapnie) ou après l'administration d'Ains. Ce patient a eu plusieurs interventions chirurgicales pour traiter les brûlures des membres inférieurs. Pour cette raison, il n'était pas anormal d'évoquer cette étiologie lors de l'hospitalisation et de contrôler son évolution à distance. En effet, du fait des brûlures, le patient a eu à plusieurs reprises des stimuli de la sécrétion de vasopressine : la douleur, le stress, les agents anesthésiques, les narcotiques. Cet Siadh est transitoire, la situation se normalisant à distance des événements. Des médicaments peuvent également stimuler la libération de vasopressine ou potentialiser ses effets rénaux : les sulfonylurées, la carbamazépine, la nicotine, les barbituriques, certains agents antimitotiques (vincristine, cyclophosphamide). Le patient ne prenait de façon continue aucun de ces médicaments. Ainsi, par éliminations successives des étiologies, nous arrivons au diagnostic de pseudohyponatrémie.
Commentaire 3
La pseudohyponatrémie s'explique de la manière suivante. Le plasma d'un sujet normal contient 930 ml d'eau et 70 ml de protéines (on admet que 1 g de protéines occupe 1 ml). La natrémie évalue la concentration de sodium par litre de plasma (contenant 930 ml d'eau). L' osmolalité est la quantité d'osmoles (surtout de sodium) par litre d'eau. L'osmolalité du sodium (pour une concentration plasmatique de 140 mEq/l) est de 140 x 1 000/930 = 150 mosmoles/litre d'eau. C'est l'osmolalité qui contrôle les transferts d'eau entre le milieu intra- et extracellulaire.
Ainsi, dans l'interprétation des anomalies de la natrémie, il faut tenir compte des variations de la protidémie et corriger la natrémie en fonction de la protidémie. Notre patient atteint de myélome avait une protidémie à 128 g/l. Ainsi, pour 1 litre de plasma, la quantité d'eau est seulement de 872 ml au lieu des 930 ml «physiologiques». La natrémie corrigée chez ce patient pouvait être calculée de la façon suivante : natrémie corrigée = 128 mEq x 930/1 000 – 128 = 136 mEq/l.
Ce sont donc de fortes hyperprotidémies qui peuvent créer de fausses hyponatrémies.
Le même mécanisme existe en présence d'une importante hyperlipidémie lorsqu'elle dépasse des valeurs de 25 à 30 g/l (pancréatites).
Une fausse hyponatrémie sans anomalie lipidique doit conduire à évoquer un myélome, surtout lorsqu'il existe des hémorragies inexpliquées par des troubles de la crase sanguine.
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