De notre correspondante
à New York
LES RECENTS travaux de recherche ont révélé que la graisse corporelle fonctionne comme un tissu endocrinien et pourrait même constituer le plus grand organe endocrine de l'organisme. En effet, le tissu adipeux synthétise et sécrète une variété de protéines appelées adipokines ou adipocytokines, parmi lesquelles figurent la leptine, l'adiponectine, le TNF alpha, la résistine et l'adipsine. Ces hormones jouent des rôles importants dans l'homéostase métabolique ; dès lors, si leur production n'est pas correctement régulée, elles peuvent alors contribuer au syndrome métabolique et à l'athérosclérose.
Une équipe japonaise, dirigée par le Dr Iichiro Shimomura (université d'Osaka), a cherché à identifier de nouvelles adipokines synthétisées préférentiellement par la graisse viscérale abdominale.
L'accumulation de cette graisse - qui se manifeste par l'augmentation du tour de taille - est liée au syndrome métabolique, lequel expose au risque de diabète, d'accidents cardio-vasculaires et à beaucoup d'autres maux.
Visfatine : « vis » comme viscérale et « fat » comme graisse.
En comparant les ARNm trouvés dans la graisse viscérale et la graisse sous-cutanée, les chercheurs ont trouvé une molécule davantage exprimée dans la graisse viscérale. Ils l'ont appelée visfatine (vis pour viscéral, et fat pour graisse en anglais). En fait, cette protéine avait été précédemment identifiée comme un facteur (Pbef) élevant la formation des colonies pré-B, une cytokine exprimée également dans les lymphocytes. Rien de très surprenant jusque-là, puisque le tissu adipeux et le système immunitaire expriment de nombreux gènes similaires ; certains chercheurs ont même proposé que le tissu adipeux pourrait servir de coordinateur métabolique et immunologique pour l'organisme.
La nouvelle étude révèle que les concentrations sériques de visfatine s'élèvent parallèlement avec l'accumulation de graisse viscérale, mais non de graisse sous-cutanée, comme ils ont pu l'estimer par tomographie chez une centaine d'hommes et de femmes, ainsi que dans des modèles de souris obèses.
Afin d'évaluer la fonction de la visfatine, ils ont produit une forme recombinante qui démontre un effet hypoglycémiant. L'injection de visfatine recombinante entraîne une baisse du glucose plasmatique, similaire à celle induite par l'injection d'insuline, tant chez la souris obèse que chez la souris rendue diabétique par injection de streptozocine.
Les chercheurs ont ensuite démontré que la visfatine a un effet physiologique hypoglycémiant, moins important cependant que celui de l'insuline. En effet, des souris hétérozygotes pour une mutation inactivant le gène de la visfatine (les souris homozygotes ne survivent pas à la naissance), ayant des taux sériques abaissés de visfatine (d'un tiers) ont une légère hyperglycémie, à jeun et après repas. Les faibles taux sériques de la visfatine (de 3 à 10 % des taux d'insuline) et le fait que ces taux ne sont pas modulés par les repas laissent penser que les effets hypoglycémiants de la visfatine ne sont pas importants physiologiquement.
De façon surprenante - et c'est peut-être l'observation la plus intéressante -, la visfatine se fixe au récepteur de l'insuline, sans compétition avec l'insuline (site de fixation différent), et active le récepteur et son signal.
« Une étude plus approfondie du rôle physiologique de la visfatine pourrait conduire à de nouveaux éclaircissements sur l'homéostase du glucose et à de nouveaux traitements pour les troubles métaboliques comme le diabète », annoncent les chercheurs.
Syndrome métabolique, diabétiques résistants à l'insuline.
« La relation potentielle entre la visfatine et le syndrome métabolique mérite d'être étudiée, remarquent-ils, puisque les taux plasmatiques de visfatine s'élèvent proportionnellement avec l'accumulation de graisse viscérale. »
« Une hypervisfatinémie chronique pourrait être impliquée dans le développement du syndrome métabolique associé à l'obésite adipeuse abdominale, de la même manière que l'hyperinsulinémie », explique au « Quotidien » le Dr Shimomura. « Par ailleurs, puisque la visfatine active le récepteur insuline d'une manière différente de l'insuline, la visfatine pourrait être utile pour traiter les sujets diabétiques résistant à l'insuline. »
Enfin, comme le suggèrent Hug et coll. (Cambridge, Massachusetts) dans un commentaire associé, la visfatine pourrait servir de modèle pour étudier les insulinomimétiques, lesquels pourraient procurer de nouveaux médicaments antidiabétiques.
« Sciencexpress », 16 décembre 2004.
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