PRATIQUE
Quatre jours après l'accouchement
Il s'agit d'une jeune femme âgée de 27 ans qui a accouché le 21 avril 2000 par césarienne et mis au monde une petite fille parfaitement bien portante. Cette jeune femme n'a aucun antécédent personnel ou familial particulier. C'est une primipare. La grossesse s'est parfaitement bien déroulée et la césarienne était indiquée en raison d'une dystocie. Quatre jours après l'accouchement, elle rapporte la survenue assez brutale et spontanée d'une douleur de la fesse gauche irradiant jusqu'au sommet de la cuisse.
Elle quitte la maternité, rencontre son médecin traitant qui évoque la possibilité d'une lombo-sciatique commune S1 gauche tronquée. On lui propose un traitement symptomatique, notamment anti-inflammatoire non stéroïdien, et ce, en l'occurrence, pendant une quinzaine de jours.
QCM 1 : sciatique et grossesse.
Parmi les affirmations suivantes, laquelle(lesquelles) s'adresse(nt) habituellement aux lombosciatiques observées dans le cadre de la grossesse et du post-partum ?
a) Les lombosciatiques par hernie discale sont fréquentes au cours et au décours d'une grossesse (près d'une femme sur trois).
b) Il s'agit de sciatiques volontiers déficitaires.
c) La manuvre de Lasègue est souvent négative.
d) Ces lombosciatiques sont plus fréquentes chez les femmes qui ont fait l'objet d'une anesthésie péridurale.
e) Elles guérissent en règle sous traitement médical.
Réponse QCM 1 : b-e
Si les lombalgies sont fréquentes au cours et au décours d'une grossesse, en revanche, les sciatiques par hernie discale sont relativement rares (environ 1 cas/10 000 femmes). On évoque le rôle favorisant de la prise de poids, de l'hyperlordose, du relâchement ligamentaire... Il s'agit de sciatiques de symptomatologie clinique classique avec une intensité volontiers modérée, une manuvre de Lasègue habituellement positive ; en revanche, on retient le caractère plus fréquemment déficitaire de ces sciatiques. Il n'y a pas, à notre connaissance, de relation entre sciatique par hernie discale du post-partum et anesthésie péridurale. A l'inverse, on retient une association, certes controversée, entre lombalgies du post-partum et anesthésie péridurale.
Les lombosciatiques par hernie discale survenant au cours ou au décours d'une grossesse répondent habituellement favorablement au traitement médical.
QCM 2 : L'histoire, suite.
Le traitement symptomatique par voie générale ne va pas apporter le moindre soulagement. Devant le caractère persistant des douleurs et l'apparition de difficultés à la marche, un autre diagnostic sera évoqué, en l'occurrence celui d'une origine coxofémorale par algodystrophie de hanche. Le traitement proposé alors est la calcitonine.
Parmi les affirmations suivantes, une ne s'applique pas habituellement aux algodystrophies de la hanche observées au cours de la grossesse, laquelle ?
a) La symptomatologie débute habituellement dès le 3e trimestre de la grossesse.
b) Il s'agit plus volontiers d'une primipare.
c) La hanche gauche est plus souvent atteinte.
d) La guérison est volontiers rapide (en moyenne en trois mois).
e) Elle récidive volontiers lors d'une grossesse ultérieure.
Réponse QCM 2 : e
Quatre vingt-dix pour cent des algodystrophies de la grossesse sont observées à la hanche (mais la grossesse ne constitue que 3 % des étiologies des algodystrophies de hanche).
Les premiers symptômes apparaissent en général au cours du troisième trimestre, mais il y a une exacerbation après l'accouchement et le diagnostic est en règle porté après l'accouchement, qu'il s'agisse d'un accouchement par voie basse ou par césarienne. Dans 60 % des cas, il s'agit d'une primipare. Une légère prédominance du côté gauche a été signalée (voie de présentation occipito-iliaque antérieure gauche fréquente ? Les formes bilatérales sont souvent fréquentes : près de 10 à 45 % des cas). Il s'agit d'une algodystrophie de guérison habituellement rapide, en moyenne entre trois semaines et six mois. Ces algodystrophies (en principe comme toutes algodystrophies) ne récidivent pas, notamment lors d'une grossesse ultérieure.
Rappelons aujourd'hui l'intérêt de l'exploration par IRM, notamment chez une femme n'ayant pas accouché (sémiologie caractéristique - figures 1 et 2).
QCM 3 : Dans un tel contexte (grossesse post-partum), sur le plan clinique, quel(s) est(sont) le(s) principal(aux) diagnostic(s) différentiel(s) à évoquer ?
a) Ostéonécrose de la tête fémorale.
b) Fracture de contrainte du sacrum.
c) Ostéose iliaque condensante.
d) Syndrome de Lacome.
e) Sacro-iliite infectieuse.
Réponse QCM 3 : a-b-e
Une ostéonécrose de la tête fémorale peut être observée au cours ou dans les suites d'un accouchement ; c'est une éventualité toutefois peu fréquente. Il s'agit en général d'une ostéonécrose unilatérale, le plus souvent chez une primipare, avec absence de tout autre facteur étiologique classique (rôle de la prise de poids, de la stase veineuse, de l'hypertriglycéridémie et de l'hypercorticisme de la grossesse, etc.). L'IRM permet en règle le diagnostic différentiel, notamment d'une algodystrophie de hanche. Les fractures du sacrum du post-partum sont rares. Elles soulèvent la possibilité de révéler une ostéomalacie carentielle ou d'une ostéoporose de la grossesse. Ce diagnostic serait volontiers méconnu. Là encore, l'imagerie moderne, notamment l'IRM, peut redresser le diagnostic. L'ostéose iliaque condensante est une affection assez fréquente, en règle asymptomatique. Cela s'observe notamment chez une femme volontiers obèse, multipare, avec, sur le plan radiographique (figure 3), une opacification dense, homogène, triangulaire, bilatérale, symétrique. Le syndrome de Lacome, très fréquent (environ une femme sur deux, vers le 6e mois de la grossesse), se traduit habituellement par une symptomatologie fonctionnelle du type de pesanteur pelvienne, de tiraillement des régions inguinales, des fesses. La pathogénie de ce syndrome reste méconnue. On observe en principe la disparition des symptômes à l'accouchement. Les sacro-iliites infectieuses du post-partum sont peu fréquentes, mais la grossesse constitue une circonstance particulière pour observer ce type d'ostéoarthrite infectieuse.
QCM 4 : Observation suite.
Après un mois de calcitonine, les douleurs persistent, conduisant à la réalisation d'une IRM (figures 4 et 5). Quel diagnostic évoquez-vous ?
a) Coxite infectieuse.
b) Algodystrophie de la hanche gauche.
c) Ostéonécrose de la tête fémorale gauche.
d) Fracture de contrainte du sacrum.
e) Sacro-iliite infectieuse.
Réponse QCM 4 : e
L'IRM objective une sacro-iliite gauche avec abcès du psoas iliaque en regard. La ponction biopsie de la sacro-iliaque va retrouver, en l'occurrence, un staphylocoque coagulase négatif, mais l'ECBU mettra en évidence une infection à streptocoque du groupe B. Les sacro-iliites infectieuses du post-partum s'observent le plus souvent après un accouchement normal. Les douleurs, comme dans l'observation présente, apparaissent dans les premiers jours qui suivent l'accouchement. Le tableau clinique est volontiers aigu. Le plus souvent, le germe responsable est un streptocoque du groupe B. L'évolution est habituellement favorable sous traitement.
Les pièges
Dans le cas présent, le diagnostic a été quelque peu retardé en raison, d'une part, de la relative rareté des sacro-iliites infectieuses de la grossesse et du post-partum et, d'autre part, en raison de l'absence de contexte d'hyperthermie, de syndrome inflammatoire biologique. Le tableau ci-joint reprend les principales étiologies de douleurs lombo-fessières chez une femme enceinte ou venant d'accoucher.
Principales étiologies
Les principales étiologies des douleurs lombo-fessières chez une femme enceinte ou venant d'accoucher sont les suivantes :
- pathologie vertébrale commune (lomboradiculalgies, notamment par hernie discale) ;
- ostéonécrose de la tête fémorale ;
- fracture de contrainte de la tête fémorale (qui peut compliquer une algodystrophie de hanche) ;
- fracture de contrainte du sacrum (qui peut révéler une ostéomalacie vitamino-carentielle ou une ostéoporose de la grossesse) ;
- algoneurodystrophie de hanche ;
- sacro-iliite infectieuse ;
- sacro-iliite « inflammatoire » du post-partum (sacro-iliite unilatérale avec syndrome inflammatoire biologique, mais enquête bactériologique négative, réponse favorable sous AINS et absence de développement radiologique à long terme de sacro-iliite).
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