EN JUILLET 2005, une jeune femme caucasienne de 28 ans a été admise dans le service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon, à Paris, pour un problème d’oedème induré et douloureux de la jambe gauche apparue depuis trois mois.
Cette patiente avait passé, huit mois auparavant, six semaines à voyager dans différents pays d’Afrique équatoriale. En dehors de l’asymétrie des jambes et des douleurs associées, l’examen clinique était sans particularités. Le bilan biologique ne s’est caractérisé que par une hyperéosinophilie. Le bilan hépatique et la CRP étaient dans les limites de la normale ; la recherche d’un facteur rhumatoïde s’est révélée négative et les dosages du complément total, de C3, C4 et des anticorps anti-ADN étaient eux aussi normaux.
La coproculture et la parasitologie des selles étaient sans particularités. La recherche de microfilaires dans le sang périphérique n’était pas concluante. Enfin, les sérologies microfilaire, schistosome, Toxocara, distomatose et trichinose étaient négatives. L’échographie hépatique s’est révélée normale et l’IRM de la jambe n’a retrouvé qu’un hypersignal des fascia superficiels et profonds.
«Nous avons posé un diagnostic de présomption d’onchocercose et la patiente a été traitée par ivermectine (8 mg en une prise unique suivie de deux doses identiques) .L’administration de ce médicament a permis de faire disparaître l’hyperéosinophilie en moins de six mois. Secondairement, les tests d’immunofluorescence à la recherche d’anticorps antifilaire sse sont positivés (1/800e et apparition d’un arc à l’électrosynérèse) . En mai 2006, lors de la dernière consultation de contrôle, la patiente était guérie.»
Une mouche noire qui vit au bord des rivières.
L’onchocercose est une filaire liée à un nématode, Onchocerca volvulus, transmise par une mouche noire du genre Simulium, qui vit préférentiellement au bord des rivières. L’infection, qui est endémique en Afrique équatoriale, dans certaines régions de l’Amérique centrale et du Sud et dans la péninsule arabique, est connue en France sous le nom de « gros bras camerounais ».
Le délai d’incubation varie entre cinq et vingt mois, et les formes cliniques les plus classiques se caractérisent par un prurit, des nodules sous-cutanés, une dermatite papulaire et une dépigmentation de type masque de léopard. L’onchocercose peut aussi être à l’origine d’une cécité connue sous l’appellation de cécité des rivières. En France, la plupart des cas diagnostiqués sont en rapport avec une exposition sur le continent africain, et certaines formes cliniques pauci-symptomatiques sont difficiles à diagnostiquer.
Hyperéosinophilie.
L’existence d’une hyperéosinophilie associée à une notion de voyage en pays endémique doit inciter à la recherche sérologique d’anticorps qui ne sont néanmoins présents que chez 53 % des patients environ.
Actuellement, le traitement le plus prescrit contre l’onchocercose est l’ivermectine ; cette molécule peut être associée à la doxycycline pour limiter le risque de récurrence.
Catherine Chakvetadze, Firouzé Bani-Sadr, Michel Develoux, Caroline Le Breton, Gilles Pialoux (hôpital Tenon). « The Lancet », vol. 368, p. 1126, 23 septembre 2006.
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