CONTRAIREMENT à la plupart des pays du monde, le Japon n'autorise pas, pour des raisons culturelles et religieuses, la greffe de cadavre. C'est pour cette raison que des chirurgiens de ce pays développent des initiatives de greffe à partir de donneurs vivants. En début d'année, le Dr Shinichi Matsumoto (Kyoto) a annoncé avoir effectué la première greffe d'îlots de pancréas à partir d'un donneur vivant : il s'agissait d'une jeune fille de 27 ans, atteinte depuis l'enfance d'un diabète grave et mal équilibré, qui a reçu des îlots prélevés chez sa mère (54 ans) à partir de l'ablation de la moitié de son pancréas. La jeune fille, diabétique depuis l'âge de 4 ans à la suite d'une pancréatite chronique, souffrait de malaises hypoglycémiques sévères, dont elle ne ressentait pas les prodromes, en dépit d'un traitement régulier par insuline et d'une prise en charge stricte. Cette intervention a été dérivée de la technique mise au point en 2000 au Canada par le Dr James Shapiro qui consiste à injecter dans la veine porte des îlots de Langerhans prélevés sur des personnes en état de mort cérébrale. Les îlots vont alors coloniser le foie et y sécréter de l'insuline.
Deux mois après l'intervention, le Dr Matsumoto a publié dans le « Lancet » un bilan de cette première mondiale. La jeune fille a d'abord reçu un traitement antirejet prégreffe dans les jours précédant la transplantation.
Suspension du traitement substitutif.
La première phase de l'intervention a consisté en une hémipancréatectomie distale chez la mère, suivie d'un isolement des îlots sécréteurs après un temps d'ischémie de quarante-quatre minutes. Plus de 400 000 îlots ont été isolés et ont été réinjectés par voie percutanée portale sous anesthésie locale dans le foie de la receveuse. Dès le lendemain de la greffe, la jeune fille a été mise sous monitoring de la glycémie, de l'insulinémie et de l'excrétion urinaire de peptide C. Moins d'une semaine après la greffe, une sécrétion d'insuline a été détectée (par mesure de l'insulinémie et du peptide C urinaire) et le traitement substitutif a pu être suspendu à J22. La jeune fille a quitté l'hôpital après 37 jours d'hospitalisation. Le bilan à deux mois a confirmé l'absence de besoin en insuline, et l'hyperglycémie provoquée par voie orale a donné des résultats similaires à ceux observés chez les témoins.
Bonne tolérance chez la mère donneuse.
L'état de santé de la mère a aussi fait l'objet d'une surveillance stricte en raison du risque de diabète induit par l'ablation partielle du pancréas. Dans les jours qui ont suivi l'intervention, les examens radiologiques n'ont pas montré de fistule, de pancréatite, de saignements ou de suppuration intrapéritonéale. Après sa sortie de l[212]hôpital à J18, les bilans ont confirmé la bonne tolérance de l'intervention, puisque toutes les mesures effectuées - glycémie, insulinémie, mesure du C-peptide urinaire et hyperglycémie provoquée par voie orale - se sont révélées dans les limites de la normale.
La greffe effectuée au Japon soulève certaines questions. En effet, l'intervention pratiquée (une hémi-pancréatectomie) est un geste lourd. Sa morbidité élevée doit inciter à réserver ses indications à des pathologies lourdes. En outre, l'ablation d'une telle quantité de tissu pancréatique sécréteur peut conduire, à plus ou moins long terme, à l'apparition de troubles de la glycémie chez le donneur. De plus, la quantité d'îlots injectés est très faible (un demi-pancréas, contre deux pancréas dans les greffes habituelles) et le succès de la greffe est donc loin d'être assuré. En outre, l'existence d'une communauté antigénique entre la mère et la fille - qui ne contre-indique pas la prescription d'un traitement antirejet - peut faire craindre l'apparition d'une réaction de rejet par le biais des autoanticorps circulants liés à la pathologie pancréatique initiale.
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