LE PATIENT du Pr Lantiéri présentait une gêne fonctionnelle à l’élocution et à la fermeture buccale et son exclusion sociale était totale bien qu’il ait passé son bac et fait des études supérieures. Il avait déjà été opéré une quarantaine de fois par différentes équipes chirurgicales et des neurofibromes cutanés avaient été enlevés sur toute la partie supérieure de la face, y compris au niveau des paupières. Au cours de son enfance, il avait développé un névrome plexiforme de la partie inférieure de la face, qui s’était développé progressivement et atteignait une taille très importante. L’intervention a été envisagée dans le cadre d’un protocole fixé par avance et accepté par le Ccprb de l’hôpital qui prévoit, à terme, l’inclusion de cinq patients.
Il est encore impossible de s’avancer sur le résultat à moyen terme de l’intervention. Le succès chirurgical technique a été confirmé par le Pr Lantiéri en dépit d’une perte sanguine très importante qui s’est accompagnée de troubles de l’hémostase. On ne connaîtra l’efficacité du traitement immunosuppresseur qu’avec le temps. Un rejet aigu ou chronique de la greffe est toujours possible. On sait, par exemple, que la première patiente greffée par l’équipe Dubernard-Devauchelle a présenté un rejet aigu et un rejet à moyen terme en dépit d’un protocole immunosuppresseur fondé sur l’association d’immunosuppresseurs et d’une allotransplantation de cellules de moelle osseuse partielle. Le patient du Pr Lantiéri n’a pas, pour sa part, bénéficié d’allotransplantation de cellules de moelle osseuse et son protocole d’immunosuppression correspond à celui qui est utilisé habituellement pour les greffes au CHU Henri-Mondor de Créteil.
L’acceptation des différentes phases de la nouvelle identité du patient pose elle aussi question et le suivi psychologique et psychiatrique indispensable fera partie intégrante du traitement du greffé.
Maladie de Recklinghausen.
La maladie de Recklinghausen ou neurofibromatose de type 1, est la plus fréquente des phacomatoses, avec 1 cas sur 3 000 naissances. Elle se révèle souvent à l’adolescence. De transmission autosomique dominante, elle est liée à une mutation ou à une translocation du gène NF1 situé sur le chromosome 17 (17q11.2). On connaît actuellement une centaine de mutations sur ce gène de très grande taille, qui peuvent être à l’origine de la maladie et dont l’expression clinique peut être variable selon les individus et les types d’anomalies génétiques en cause. Le gène NF1 contient au moins 56 exons qui vont donner après transcription un ARN messager de 13 kb avec une région codante de 9 kb. Les 8 454 nucléotides permettent la synthèse d’une protéine de 2 818 acides aminés, la neurofibromine. Cette protéine est présente principalement au sein des neurones, des cellules de Schwann et des oligodendrocytes. Elle joue un rôle dans la croissance, la régulation du cycle, la différenciation cellulaire et la régulation des oncogènes cellulaires. Elle est par ailleurs associée aux microtubules, ce qui semble être un élément physiopathologique important, mais encore mal élucidé. Actuellement, on peut imaginer un dépistage préimplantatoire ou anténatal dans les formes à mutations familiales connues.
La transmission de la maladie est habituellement de type autosomique dominant, caractérisée par l’apparition de taches cutanées associées à des neurofibromes cutanés et sous-cutanés et parfois à des hamartomes iriens. La pénétrance est très forte (près de 100 %) et la variabilité phénotypique est importante. On a évoqué cette maladie pour expliquer la pathologie du patient surnommé Elephant-Man par le Dr Joseph Merrick, mais il semblerait qu’il s’agissait plutôt d’un syndrome Proteus.
D’un point de vue clinique, l’existence d’au moins six taches café au lait mesurant au moins 1,5 cm chez l’adulte et 0,5 cm chez l’enfant est nécessaire pour que le diagnostic soit posé. La biopsie de ces taches met en évidence une grande densité de cellules géantes contenant de la mélanine et l’étiologie de ces lésions n’est pas connue avec précision. Les neurofibromes décrits sont de quatre types. Les neurofibromes cutanés peuvent être plus ou moins nombreux, ils se développent en début de puberté et sont souvent sessiles au début, mais deviennent habituellement pédiculés. Les neurofibromes sous-cutanés, pour leur part, sont présents sur les trajets des nerfs. Enfin, il existe des névromes plexiformes qui correspondent à des tumeurs flasques et des neurofibromes plexiformes diffus.
Certains patients souffrent aussi de complications neurologiques liées à l’existence de neurofibromes, d’atteintes oculaires (uvée, névrome plexiforme de la paupière supérieure, gliome du nerf optique). Enfin, quelques enfants souffrent de scoliose importante.
Actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique de la maladie. Les neurofibromes peuvent être opérés lorsqu’ils sont très gênants mais il s’agit de tumeurs qui saignent facilement et qui se révèlent parfois difficiles à extraire.
Les cellules de Schwann.
Depuis une dizaine d’années, une équipe de chercheurs de l’Ecole normale supérieure (Inserm U368) travaille sur le développement des cellules de Schwann. Le Dr Piotr Topilko, chargé de recherches dans ce laboratoire, explique au « Quotidien » que les cellules de Schwann, impliquées dans l’apparition de neurofibromes, restent quiescentes tant qu’elles ont un contact avec les axones périphériques. Lorsqu’il se produit une lésion, comme c’est le cas au niveau du greffon prélevé, les cellules de Schwann se différencient, migrent et prolifèrent afin de réparer la gaine de myéline. Depuis quelques années, l’équipe de l’Inserm U368 a découvert qu’il existe chez les rongeurs et les poulets des niches de cellules souches capables de se différencier en cellules de Schwann au niveau de l’émergence des racines des nerfs qui naissent à partir du tronc cérébral (nerfs crâniens moteurs et sensitifs) et des nerfs périphériques. Or, dans le cas de la greffe de visage, «on ne peut exclure que ces cellules porteuses de mutations sur le gène NF1 migrent vers le greffon et soient à l’origine de la réapparition de nouvelles lésions neurofibromateuses».
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