L'Académie de médecine définit le rhume comme « une inflammation catarrhale aiguë de la muqueuse des fosses nasales s'accompagnant d'une rhinorrhée claire, abondante amenant à se moucher plusieurs fois par heure, qui survient progressivement, ne s'accompagne pas d'une température élevée ni de fortes céphalées mais d'un inconfort nasal et parfois d'une toux et d'éternuements ».
Si l'on s'en tient à cette définition scientifique, les personnes atteintes de rhume peuvent vaquer à leurs occupations quotidiennes - école ou travail. En pratique, le diagnostic de rhume est le plus souvent posé par les patients eux-mêmes en fonction de l'appréciation personnelle de leur état, ce qui explique la variabilité du tableau clinique, qui peut aller d'un simple nez bouché à un épisode infectieux aigu accompagnée d'une forte fièvre.
En France, on manque encore de données épidémiologiques relatives à cette pathologie considérée le plus souvent comme bénigne, alors qu'on sait qu'aux Etats-Unis les rhumes motivent chaque année 25 millions de consultations de médecins généralistes et sont à l'origine de 42 millions de journées de travail ou d'école perdues.
De 2 à 8 rhumes par an
« Les rhumes ne sont pas l'apanage des pays tempérés où ils surviennent à l'automne et au printemps. Dans les pays équatoriaux, leur prévalence est plus élevée au cours de la saison des pluies, et dans les régions désertiques, on assiste à une recrudescence des affections respiratoires hautes dans les suites des épisodes de vent fort », analyse le Pr Christian Chidiac, médecin interniste au CHU de Lyon.
L'incidence de ces affections est inversement proportionnelle à l'âge : de 6 à 8 dans les premières années, elle passe de 2 à 4 - dont une grande partie reste pauci-symptomatique - chez l'adulte. Des études sérologiques menées chez des enfants de 6 mois et de 2 ans confirment que, respectivement, 20 % et 90 % d'entre eux possèdent dès cet âge des anticorps dirigés contre les rhinovirus.
Plus de 200 types de virus en cause
La grande majorité des virus en cause dans le rhume - adénovirus, virus para-influenzae, rhinovirus, VRS, entérovirus et coronavirus - ont été identifiés entre 1950 et 1965. Les plus fréquemment en cause dans les infections respiratoires hautes de l'automne et du printemps des pays tempérés sont les rhinovirus, dont on connaît actuellement 120 sérotypes. « Une récente étude menée sur 211 observations d'enfants hospitalisés par des pédiatres de la région de Caen a montré que près de 75 % des pathologies respiratoires hautes de ces deux saisons sont en rapport avec un rhinovirus et que, selon l'âge, ces infections peuvent se traduire de façon plus ou moins prononcée, allant de la simple rhino-pharyngite peu fébrile à l'exacerbation d'un asthme préexistant ou à la bronchiolite chez les tout-petits », explique au « Quotidien » le Pr François Freymuth, virologue à Caen.
La pathogenèse mieux comprise
« Les mécanismes en cause dans l'infection par les virus à l'origine de rhumes varient selon les agents pathogènes : les rhinovirus se multiplient au niveau de la muqueuses du naso-pharynx alors que les virus para-influenza se localisent préférentiellement au niveau de l'épithélium trachéo-bronchique », indique le Pr Sylvie Van Der Werf, responsable à l'Institut Pasteur de l'unité de génétique moléculaire des virus respiratoires. Globalement, on peut dire que des facteurs locaux - densité de récepteurs à la surface de l'épithélium de la muqueuse nasale - et généraux - capacités de défense de l'organisme - influent sur la sensibilité aux virus respiratoires hauts, et en particulier aux rhinovirus. L'infection par les rhinovirus ne s'accompagne jamais de virémie, ce qui explique que l'immunité qu'elle procure reste locale et de courte durée.
L'infection virale induit une vasodilatation et une majoration de la perméabilité vasculaire qui entraîne la rhinorrhée et l'obstruction nasale caractéristique de cette affection. La stimulation cholinergique concomitante va, pour sa part, majorer la sécrétion des glandes muqueuses. « L'une des différences fondamentales entre les infections par rhinovirus et celles liées au virus de la grippe tient à l'absence de destruction de l'épithélium nasal dans le premier cas, poursuit le Pr Van Der Werf. Globalement, le degré de destruction de la muqueuse nasale est corrélé au type de virus en cause et est en rapport avec la concentration en médiateurs de l'inflammation tels que les kinines, les leucotriènes, l'histamine, les interleukines 1, 6 et 8 et le TNF alpha .»
D'un point de vue clinique, des expériences d'inoculation des rhinovirus sur des volontaires ont permis de préciser que le plus souvent ce type d'infection ne se cantonne pas à la muqueuse nasale : les radiographies et les scanners pratiqués montrent le plus souvent une atteinte conjointe des sinus maxillaires ou frontaux. « Les douleurs sinusiennes et le mouchage muqueux ne doivent pas donner lieu de façon systématique à une prescription d'antibiotiques, ces signes cliniques sont en effet le plus souvent exclusivement liés à l'infection virale et non à une surinfection bactérienne », précise le Pr Christian Chidiac (CHU de Lyon).
Enfin, les dysfonctionnements de la trompe d'Eustache sont aussi particulièrement fréquents : dans les expériences sur les volontaires auxquels on a inoculé du rhinovirus, la pression de l'oreille moyenne est négative chez 50 à 80 % des sujets. Ce chiffre serait encore plus élevé chez les plus jeunes et pourrait expliquer l'incidence des otites moyennes aiguës.
Une symptomatologie variable
La période d'incubation et les symptômes cliniques varient selon le type de virus en cause dans l'infection respiratoire haute. Pour les rhinovirus, on sait que les premiers signes cliniques peuvent apparaître de dix à douze heures après l'inoculation virale, alors que pour les virus para-influenzae le délai peut être compris entre un et sept jours. Les infections à rhinovirus débutent généralement par une douleur pharyngée, rapidement suivie de l'apparition de la rhinorrhée et d'une sensation de nez bouché. Les complications surviennent le plus souvent après quatre jours d'évolution de la maladie : otites moyennes aiguës chez 20 % des enfants, sinusites dans 0,5 à 2 % des cas, exacerbation d'un asthme ou d'une BPCO.
De six jours à une semaine
En raison de la multiplicité des agents infectieux en cause dans les rhino-pharyngites, il est illusoire de penser qu'un traitement unique pourra être développé pour lutter contre ces maladies. Les antiviraux récemment développés tels que le zanamivir ou l'oseltamivir ne sont actifs que vis-à-vis des virus de la grippe. Au cours des années 1980, des chercheurs ont évalué l'intérêt de la prescription intranasale d'interféron, mais cette piste thérapeutique a été abandonnée du fait de ses multiples effets indésirables. La mise en évidence récente du rôle du récepteur ICAM-1 dans la pénétration cellulaire des rhinovirus laisse à penser que de nouvelle molécules visant à bloquer ces récepteurs pourraient être développées dans les prochaines années.
La lutte contre les rhinovirus pourrait aussi bénéficier bientôt des progrès récents en virologie avec la mise au point de traitements tels que le pleconaril, un antiviral actif contre les virus non capsulés, ou le ruprintrivir, un inhibiteur des protéases actif sur les rhinovirus. Les premiers essais cliniques ont confirmé l'activité de ces deux molécules sur les infections à rhinovirus : la durée totale de la maladie est réduite de 24 à 36 heures. Enfin, la mise en évidence récente du rôle clé des facteurs de l'inflammation dans ces infections a favorisé de nouvelles voies de recherche : l'utilisation conjointe d'interféron par voie nasale, de chlorphénamine et d'ibuprofène permet de réduire la durée des signes cliniques ORL et généraux. Mais il est difficile d'imaginer, en raison du coût et des effets indésirables potentiels, que de tels traitements soient un jour utilisés pour traiter de simples rhumes.
Les virus du rhume
- Rhinovirus : de 30 à 50 % des cas.
- Coronavirus : de 10 à 15 %.
- Para-influenzae : de 10 à 15 %.
- VRS : 5 %.
- Adénovirus : moins de 5 %.
- Entérovirus : moins de 5 %.
- Métapneumovirus : inconnu.
- Autres virus : de 20 à 30 %.
Le bon sens populaire a peut-être raison
« C'est parce qu'il a marché pieds nus », « les chauds-froids me rendent toujours malade », « il est sorti la tête mouillée », « je suis resté dans un courant d'air », « iI n'avait pas mis son bonnet et son écharpe », « j'ai attrapé froid », « il faut dormir avec ses chaussettes pour ne pas s'enrhumer », « c'est à cause de la climatisation »...
Pour le Pr Bruno Lina, virologue (Lyon), « si les croyances populaires en matière de rhume ne sont pas fondées sur les faits scientifiques révélés, elles font au moins preuve de bon sens ».
On ne peut pas dire que le froid soit un élément indispensable des rhino-pharyngites. Mais on sait que lorsqu'une partie du corps reste découverte et soumise à une température basse, il se produit des modifications métaboliques qui tendent à maintenir l'homéostasie corporelle et qui vont mettre en uvre des phénomènes physiologiques dont l'objectif est de réchauffer les parties les plus froides. La redistribution du sang dans les parties exposées au froid se fait aux dépens des autres régions du corps qui, de ce fait, sont moins à même de lutter contre les agressions par un apport local de cellules immunocompétentes.
Lorsque c'est la région ORL qui est soumise au froid, les défenses immunitaires locales - protéines inflammatoires et pro-inflammatoires, dont la température idéale de fonctionnement est de 37 °C - ne peuvent lutter de façon optimale contre les agressions virales et bactériennes.
Enfin, les « courants d'air » peuvent entraîner un assèchement et une fragilisation des muqueuses qui deviennent plus sensibles aux agents pathogènes locaux.
Le rhume intestinal
En 2002, deux équipes de chercheurs, l'une finlandaise, l'autre japonaise, ont étudié un sérotype particulier de rhinovirus : le rhinovirus 87. L'analyse des séquences génétiques de l'ensemble des 102 rhinovirus connus à ce jour a permis de classer ces virus en deux groupes distincts, à l'exception toutefois du rhinovirus 87, qui n'appartient à aucun de ces groupes.
L'analyse génétique et antigénique à laquelle l'équipe finlandaise a procédé a permis de monter que HRV87 est similaire à l'entérovirus 68 et proche de l'entérovirus 70, deux autres membres de la famille des picornavirus. C'est probablement cette similitude qui explique la symptomatologie à la fois ORL et intestinale des sujets infectés par ce virus.
Rhume de cerveau, rhume de poitrine... et rhumatismes
Jusqu'au XIVe siècle subsistait dans l'imaginaire collectif la croyance populaire en la théorie humorale selon laquelle les fluxions descendent de la tête dans le corps et que l'humeur nasale vienne du cerveau. Pour enrayer cet écoulement nasal, on devait alors traditionnellement utiliser des substances prétendument asséchantes. Le rhume - de rheuma : l'écoulement - ne correspondait donc qu'à un écoulement de l'humeur dans le nez, mais cette humeur pouvait aussi atteindre les poumons ou les articulations (rhuma-tismes). Ce n'est qu'après le XVe siècle que cette maladie a été étudiée et caractérisée par les médecins.
Le rhume est « une affection catarrhale légère, sans fièvre, et qui permet à celui qui en est atteint de vaquer à ses affaires ou au moins de ne pas garder le lit », explique Audin* en 1826. « Lorsqu'elle frappe particulièrement les fosses nasales, on l'appelle rhume de cerveau, parce que l'on croit faussement que l'humeur catarrhale se forme dans le cerveau et découle par le nez. Si l'accident tombe sur la membrane des bronches, on lui donne le nom de rhume de poitrine. »
* « La Médecine sans médecin ».
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