Q UELQUES heures après le meurtre à coups de pistolet du Dr Marie-Madeleine Delagarde à La Chaussée-Saint-Victor, quatre généralistes exerçant en association comme leur confrère le Dr Jean-Charles Delagarde, époux de la victime, étaient « sous le choc ». « Nous ne pouvons parler, nous gérons sur place la situation », dit au « Quotidien » le Dr Thierry Ouillet. Madame le maire UDF, Jacqueline Gourault, ex-enseignante, invoque aussi le droit au silence. Le Dr Marie-Madeleine Delagarde était conseillère municipale.
La Chaussée-Saint-Victor, proche de Blois - avec sa ZUP démesurée pour une ville de 50 000 habitants - au point d'avoir concédé un bout de sa terre à l'hôpital blésois où a été admise, dans un premier temps, le Dr Marie-Madeleine Delagarde, est une localité « tranquille ». « C'est même la banlieue chic » du chef-lieu du Loir-et-Cher, bien qu'elle ne soit pas incluse dans la communauté urbaine. Rien de commun, donc, avec la ZUP de la grande ville d'à-côté, où depuis une dizaine d'années l'Ordre saisit, régulièrement et en vain, la préfecture et la mairie, car l'endroit, « avec ses petits dealers, n'est pas très bien sécurisé », comme le fait remarquer au « Quotidien » le secrétaire général adjoint, le Dr Jean-François Loubrieu. « Des confrères, en particulier des femmes, compte tenu de la féminisation de la profession, ne veulent plus s'y rendre. Seuls les prescripteurs de buprénorphine n'ont pas trop de problème. Les autres, poursuit le pneumologue, doivent se méfier des pneus crevés, des extorsions d'ordonnances et de toutes sortes d'actes d'incivilité. Les pompiers sont reçus à coups de pierres et la police s'y déplace le moins possible. »
Mais, que s'est-il passé à La Chaussée-Saint-Victor, où deux brigadiers municipaux suffisent à préserver le caractère « paisible » de la « cité résidentielle » ?
Une vengeance ?
Il est 14 h 15 environ, mercredi 4 avril, quand le Dr Marie-Madeleine Delagarde, 40 ans, raccompagne une consœur, sur une aire de stationnement située en face de chez elle. Soudain, elle voit un homme, qui appartiendrait à son entourage personnel, et « plutôt amical ». Elle s'avance vers lui pour un bonjour. Au lieu d'une main à serrer, elle reçoit trois balles d' « une arme de service » ; l'une dans un bras, l'autre au thorax, et la troisième à la tête. Le tireur aurait « agi par vengeance ».
Le Dr Jean-François Loubrieu, très tôt informé de l'agression, « par des bruits de couloirs améliorés », apprend d'un confrère réanimateur blésois qui a vu la blessée, avant son transfert à Tours en réa-neuro-traumatologie, que le pronostic vital est des plus sombres. Le praticien se rappelle avoir « eu en cours Marie-Madeleine et son mari, lors de leur internat, il y a une dizaine d'années. Une femme et un homme "nickel" sur le plan médical, s'occupant particulièrement des gens ». Depuis, le couple a eu trois enfants, dont le dernier a 4 ans.
Deux jours après, on apprend le décès du Dr Marie-Madeleine Delagarde, et que son meurtrier, lieutenant de police au commissariat de Blois, a été arrêté. L' « affaire est passionnelle », lâche-t-on avant de retomber dans le silence.
A Paris, les risques du métier, comme à La Chaussée-Saint-Victor, ne semblent pas constituer un problème majeur. « Il y a cinq ans, on a volé la trousse d'une consœur », se rappelle le Dr Gérard Delafond, secrétaire général de la Garde médicale de Paris (GMP)*. Quelque 200 généralistes sur 3 000 environ participent, à titre privé, à la GMP. Il s'agit d'un système de 3 x 8 heures, 7 jours sur 7, permettant de répondre à près de 100 appels par jour. Tout-Paris, pourtant, n'est pas sûr, en particulier le 18e, le 19e, le 20e ou encore la cité Raymond-Losserand dans le 14e, zone de (presque) non-droit. D'ailleurs, reconnaît le Dr Delafond « des praticiens, par peur irrationnelle, ne souhaitent pas aller dans certains quartiers, à certaines heures ».
* Tél. 01.42.72.88.88.
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