Théâtre
Herb Gardner prend son temps. C'est sa vie, celle de son père, qu'il transcrit dans les aventures d'Eddie et le narrateur omniprésent, Charlie, le fils, c'est lui, pas de doute.
Jean-Claude Grumberg, l'adaptateur, prend son temps. L'auteur de « l'Atelier » reconnaît quelque chose d'une histoire qui le touche au plus profond et tout lui semble très important. Marcel Bluwal, qui signe la mise en scène, est lui aussi du côté de la reconnaissance. Le témoignage lui semble essentiel dans ses moindres détails, il a envie que l'on s'installe dans ce bistrot de nouvel Américain qui veut célébrer sa jeune nation et oublier les drames qui l'ont chassé d'Odessa. Et l'on s'y installe. Et l'on écoute Charlie adulte (Serge Hazanavicius) raconter cette longue tranche de vie. La construction choisie par Gardner, qui unit la narration et le commentaire, télescope les époques, induit un rythme particulier et notamment une très longue exposition qui aurait gagné à être resserrée.
Mais on respecte les décisions de l'équipe artistique car tout ici se donne sous le signe d'un grand respect de la belle ouvrage. Décor (Catherine Bluwal), costumes (Aurore Popineau), lumières (Jacques Rouveyrollis), son (Jean-Baptiste Favory) forment un écrin chaleureux. La distribution est bonne et chacun est émouvant, juste, et mériterait d'être cité. On retiendra particulièrement Erwan Daouphars, Joey, l'un des fils ; Arthur Dupond, Sammy, petit-fils ; Denise Chalem, si sensible et pleine de grâce dans le rôle d'un mère qui a gardé son accent d'Europe ; Serge Hazanavicius, le narrateur, rôle lourd dont il se tire élégamment ; Maurice Chevit, vieil acteur de théâtre yiddish, qui célèbre ses racines, lit le journal et nous distille les nouvelles, terribles ou tendres. Un acteur magnifique pour un rôle émouvant.
Et puis il y a Claude Brasseur, Eddie, celui qui ne veut plus d'autre nom, qui veut se fondre dans la grande et généreuse Amérique, rêve de grimper dans l'échelle sociale, trime, ne comprend pas toujours ni sa femme, ni ses fils, ni le temps qui passe, mais affronte, travaille, intelligent, généreux à sa façon rude et maladroite parfois. Dans ces registres très différents, dans cette vie longue et contrastée, Claude Brasseur, à la fois fragile et puissant, fait merveille. Il défend ce beau personnage avec son intelligence et son instinct. On y croit. On a de la compassion. On rit, on trouve qu'il exagère. Mais c'est un être humain très humain.
Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à 19 h 30 le mardi, à 20 h 30 du mercredi au samedi, en matinée à 15 h le dimanche (01.42.08.00.32.). Durée : 2 h 40 sans entracte.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature