Dix mois après une ostéosynthèse

Une fracture ancienne du tibia qui fait boiter

Publié le 29/11/2005
Article réservé aux abonnés
1276192683F_Img226917.jpg

1276192683F_Img226917.jpg

Boiterie

Au cours de cette visite, nous constatons une boiterie du patient, lequel explique que cette jambe le fait souffrir.
Un examen rapide permet de constater la présence d'une déformation de la zone fracturée qui présente un aspect inflammatoire (chaleur locale).

Question

Compte tenu de ce descriptif, quels diagnostics évoquez-vous parmi ceux proposés ci-après ?
1) Une pseudarthrose atrophique,
2) un syndrome des loges,
3) une pseudarthrose septique,
4) un cal vicieux.
Réponses : 1, 3 et 4.
Les fractures de la jambe consolident en général au bout de deux à quatre mois en fonction du type de fracture.

Complications

L'évolution est parfois défavorable par l'apparition de complications.
Parmi ces dernières, nous devons différencier :
a) Les complications immédiates :
- de type général :
on trouve dans cette situation des états de choc, des problèmes de décubitus (surtout chez les vieillards), un « crush injury », avec une insuffisance rénale aiguë, et exceptionnellement une embolie graisseuse (elle se voit principalement dans le cadre des fractures du fémur) ;
- de type local :
il peut s'agir d'un syndrome des loges consécutif à une hyperpression par l'hématome et l'œdème postfracturaire ; une aponévrotomie de décharge est impérative dans cette situation ; on trouve aussi des infections dans le cas de fractures ouvertes. Dans ces cas, un examen attentif est nécessaire afin d'éviter le développement de certaines variétés de germes, comme le Clostridium tetani ; enfin, on peut rencontrer une ouverture d'un foyer de fracture par œdème et décollement sous-cutané qui évolue parfois vers une nécrose cutanée.
b) Les complications secondaires
- complications thromboemboliques ;
- complications liées au plâtre ;
- lésions cutanées qui peuvent générer des escarres et des ostéites ;
- syndrome de Wolkman avec rétraction ischémique des fléchisseurs des orteils ;
- œdème et compression sous plâtre ;
- compression du sciatique poplité externe ;
- déplacement secondaire qui peut nécessiter une reprise chirurgicale ;
- complications de décubitus ;
- algodystrophies ;
- infections postopératoires.
c) Les complications tardives
- Pseudarthroses :
Il s'agit de l'absence de consolidation bien après l'expiration du délai habituel, avec un aspect radiologique particulier qui incite à penser que cet état est irréversible et que la consolidation est impossible malgré la poursuite d'une immobilisation ;
- Cal vicieux :
La consolidation de la fracture s'est effectuée en mauvaise position, ce qui entraîne une déformation de la jambe et du segment distal par rapport au segment proximal.
La correction s'effectue par ostéotomie avec addition d'os dans la perte de substance ainsi créée.

Imagerie

Un bilan radiographique peu contributif chez ce patient nous conduit à demander secondairement un scanner après acquisition hélicoïdale axiale, compte tenu des multiples artéfacts secondaires au matériel d'ostéosynthèse.
L'examen radiologique évoque une fracture spiroïde du tibia multifragmentaire, avec des bords condensés témoignant de l'absence de consolidation.
A dix mois de la fracture, nous posons le diagnostic de pseudarthrose atrophique.

La pseudarthrose

Au niveau de la jambe, on affirme un diagnostic de pseudarthrose en l'absence de consolidation au bout de six mois.
Cliniquement, il existe une immobilisation douloureuse. Trois types sont individualisés :
La pseudarthrose hypertrophique
Dans ce cas, on retrouve à la radiographie une persistance du trait de fracture (parfois, il est élargi de plusieurs mm), avec un évasement des extrémités en pattes d'éléphant. Ce type de pseudarthrose se rencontre souvent à la suite d'une fracture ouverte.
Le traitement s'effectue de différentes manières :
- une simple ostéosynthèse par clou centromédullaire,
- une décortication ostéo-musculaire de Judet,
- une greffe apposée ou vissée (associée aux techniques précédentes).
La pseudarthrose septique
Il s'agit de la complication la plus grave des fractures de la jambe. Outre l'absence de consolidation du foyer initial, on trouve également une contamination bactérienne de la diaphyse tibiale.
Au niveau radiologique, il est noté un aspect de pseudarthrose atrophique associée à une ostéolyse des extrémités fracturaires.
L'identification du germe est une priorité.
Le traitement est radical et nécessite :
- une excision de la zone de pseudarthrose,
- un assèchement de l'infection,
- une antibiothérapie adaptée,
- une reconstruction par greffe osseuse.
Souvent, des réinterventions multiples sont indispensables, compte tenu de l'absence de résultat probant. Parfois, l'amputation est inévitable.
La pseudarthrose atrophique
Dans ce cas, il n'existe aucun signe d'ostéogenèse au niveau du foyer de fracture.
Les extrémités fracturaires sont effilées, avec une densité osseuse faible témoignant d'une ostéoporose.
On parle de pseudarthrose serrée dans le cas où le trait de fracture est visible, mais la mobilité est absente.
Le traitement se déroule en deux étapes :
- réalisation d'une ostéosynthèse rigide par enclouage centromédullaire (si cela est possible). On réalise l'ablation du tissu fibreux et on effectue la décortication des extrémités osseuses ;
- une greffe osseuse est également ajoutée pour augmenter les chances de consolidation. Elle est systématique dans le cas de perte de substance osseuse (greffe spongieuse ou cortico-spongieuse).

1) T. Begue. Fracture de la jambe. « Revue du praticien », 2000, 50 : 559-566.
2) J.-C.  Chatelet, M.-H. Fessy, J. Bejui. Fractures de jambe. Mécanisme , diagnostic , traitement. « Revue du praticien », 1992, 42 : 2486-2494.
3) X. Chevalier, R. M. Flipo, P. Goupille, T. Schaeverbeke, J. SibiliaI.
Connaissances et pratique en rhumatologie. Edition Masson , 2002.
4) J.-L. Lerat. Orthopédie. Fractures. Généralités. Dcem. www.chups.jussieu.fr, 2004.

>Drs PIERRE FRANCES (1) SOPHIE CANTOGREL (2) MEI-CHIH FRANCES (3) (1) Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer (2) Rhumatologue, Cabestany (3) Médecin généraliste, Banyuls-sur-Mer Bibliographie

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7853