De notre correspondante
à New York
Bien que la conjugaison soit définie comme un transfert d'ADN d'une bactérie à une autre bactérie, il est possible que n'importe quel type de cellule puisse être receveur, car tous les événements durant la conjugaison sont menés par la bactérie donneuse, ou « mâle », et semblent entièrement codés par des plasmides.
Toutefois, si une conjugaison a bien été observée entre E. coli et une levure, il n'y a eu jusqu'ici aucune preuve de conjugaison bactérienne vers des eucaryotes plus élevés. La conjugaison bactérienne requiert le contact entre une cellule donneuse, ou « mâle », et une cellule receveuse, ou « femelle ». Ce contact cellulaire envoie un signal dans la bactérie donneuse pour la formation d'un pont d'accouplement et le transfert d'ADN. Au préalable, la bactérie donneuse a dédoublé son ADN. Sous l'influence d'un plasmide « helper », un plasmide transporteur introduit la copie de l'ADN de la bactérie donneuse dans la receveuse. Puis l'ADN intrus vient s'accoler à l'ADN de la bactérie receveuse et s'intègre dans le patrimoine génétique de la bactérie receveuse. On comprend pourquoi on ne peut parler que d'embryon de sexualité. Autant la bactérie « mâle » peut être présentée comme un des « parents » de la bactérie « fille », autant la bactérie « femelle » est simultanément un des parents et fille. Elle a simplement été transformée.
Une chercheuse californienne, Virginia Waters (université de San Diego), a développé un système astucieux pour déterminer si E. coli peut se conjuguer aux cellules de mammifères. Des E. coli contenant un système plasmide RK2 ont été utilisées. La chercheuse a manipulé le plasmide transporteur de sorte qu'il porte des gènes permettant aux cellules de survivre à un traitement intense et d'être identifiées par fluorescence.
Les bactéries ont été couchées sur des cellules ovariennes de hamster chinois (CHO K1) dans un milieu de culture empêchant la transfection et la phagocytose de la bactérie par les cellules mammifères. Après 8 heures, les cellules ont été transférées sur un milieu contenant la gentamycine, afin de tuer les bactéries. Puis, les cellules ont été incubées avec deux anticorps (sélection positive) et cultivées en présence d'antibiotiques (sélection négative).
La chercheuse a déterminé le nombre de cellules transconjuguées survivantes et calculé la fréquence des transferts. Le transfert d'ADN n'est survenu que lorsque le système plasmide RK2 était intact et à des fréquences comparables à celles obtenues avec la levure. Les cellules de mammifères survivantes signalaient qu'elles s'étaient bien conjuguées avec les bactéries en devenant fluorescentes. La découverte qu'une conjugaison est possible entre bactéries et cellules de mammifères pourrait être exploitée pour la thérapie génique.
Servir d'agents de thérapie génique
« La délivrance de très grosses molécules d'ADN n'est possible que par conjugaison », explique-t-elle. La flore bactérienne résidant sur les surfaces muqueuses pourrait être manipulée afin de servir d'agents de thérapie génique, propose-t-elle. L'ingestion d'ADN chez des souris conduit à l'expression des protéines codées dans la circulation et divers organes. « La délivrance continuelle et par conjugaison, par la flore bactérienne résidante manipulée, pourrait être plus efficace que l'ADN ingéré. »
Par ailleurs, une analyse du génome humain suggère que 41 gènes sont uniquement partagés par les hommes et les bactéries. Cela pourrait être expliqué par la perte de gènes, le transfert latéral par phagocytose bactérienne ou infection invasive au cours de l'évolution. On peut ajouter que le transfert latéral par conjugaison pourrait aussi avoir joué un rôle.
« Nature Genetics », 19 novembre 2001, DOI : 10.1038/ng779.
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