POUR QUELQUE 800 000 personnes, naguère confinées chez elles car elles sont dépendantes, et de 600 000 à 700 000 personnes handicapées, elles aussi à domicile (1), la présence constante d’aidants familiaux est nécessaire tous les jours. Sans ces auxiliaires de vie, non déclarés comme tels, et bénévoles de fait, les populations assistées seraient souvent dans l’obligation d’être prises en charge en milieu institutionnel, où les places font cruellement défaut. Ce qui représenterait un coût supplémentaire pour la collectivité. Avec les aidants familiaux, les fonds publics ne sont pas sollicités, et c’est tout profit pour les personnes dépendantes qui restent dans leur cadre de vie. Mais pour le parent valide, la tâche peut être délicate à exécuter et lourde à supporter. Certains craquent ou ne savent pas toujours comment s’y prendre, et quelques-uns renoncent à poursuivre un accompagnement qualifié parfois d’ «invivable».
Consciente de la situation, la Conférence de la famille 2006 a décidé de mettre en place cette année une formation gratuite d’une durée de 20 heures, avec un accompagnement relationnel, dont devraient bénéficier 530 000 aidants familiaux.
Faire se rencontrer des aidants.
La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (Cnsa), qui finance l’opération à hauteur de 2 millions d’euros, avec la Délégation interministérielle à l’innovation (350 000 euros), en est le maître d’oeuvre. Elle a ouvert, du 2 janvier au 15 février, un appel à projets qui s’adresse aux conseils généraux, aux centres communaux d’action sociale, aux maisons départementales des personnes handicapées, aux caisses de Sécurité sociale, aux centres locaux d’information et de coordination, aux associations de services à la personne et aux établissements médico-sociaux. Dès la seconde quinzaine de mars, un comité de sélection, composé des deux financiers, de l’Association des départements de France, de la Délégation interministérielle à la famille et de la Direction générale de l’action sociale, fera connaître ses choix.
Les projets attendus seront variés, afin de répondre à la diversité des besoins, qu’il s’agisse des premiers secours, de soutien psychologique, de soins ou de psychomotricité. Chaque candidat expliquera comment il entend repérer le public à qui il s’adresse : ici, ce sera par le biais de l’allocation personnalisée d’autonomie, là, au moyen de l’allocation d’éducation spécialisée. Le Dr Anne Kieffer, de la Cnsa, parle de «programmes de soutien, dans lesquels il peut y avoir une formation». «L’objectif, précise-t-elle, est surtout de faire se rencontrer les aidants familiaux pour qu’ils échangent sur la difficulté de leur tâche. La charge de l’aidant est principalement d’ordre psychologique. En conséquence, la formation sur une thématique particulière est secondaire.»
Un congé de soutien familial.
Un guide de l’aidant est en cours de préparation et fera l’objet d’un décret. Il comprend trois parties : l’une consacrée aux différentes formules de soutien aux personnes dépendantes (droits, prestations…), l’autre aux relais professionnels ; la troisième se présente sous forme d’un carnet d’adresses utiles. Ce livret d’une soixantaine de pages présente notamment le « congé de soutien familial », qui devrait servir de sésame à nombre d’aidants familiaux exerçant une activité professionnelle. La personne intéressée pourra prendre un congé sans solde, pour une durée de trois mois renouvelable dans la limite d’un an, afin de s’occuper d’un membre de sa famille. Pour les autres aidants, sans emploi ou à la retraite, le guide met l’accent sur les formules d’accompagnement temporaire, d’accueil de jour et de gardes itinérantes de nuit, grâce auxquelles le parent valide peut trouver un répit.
Des initiatives déjà riches d’entraide.
La Mutualité sociale agricole, des caisses régionales d’assurance-maladie et des associations sont en mesure de dispenser un savoir-faire aux aidants familiaux. France Alzheimer (2) propose depuis plusieurs années trois modules de formation. Chacun d’eux s’adresse à une douzaine de participants, en présence d’un psychologue clinicien. En deux jours, on initie à « l’accueil et à l’écoute des familles » (une dizaine de sessions par an) ; en trois jours, ce sont des « ateliers d’animation pour les malades » (trois ou quatre sessions) ; et, en quatre jours, on traite de la « présence auprès des malades ».
Autre expérience : celle de l’Association nationale des aidants familiaux (3), qui anime une fois par mois à Paris, depuis 2004, le Café des aidants. Il s’agit d’un lieu d’écoute et de parole, fréquenté par une dizaine de personnes. Pendant une vingtaine de minutes, un psychologue clinicien donne le la sur un thème de son choix – «Comment accepter l’inversion du rapport enfant-parents», entre autres –, puis la salle communique durant 70 min. Un deuxième « café » va ouvrir à Cergy (Val-d’Oise) en mars. Pour sa part, l’Institut de développement des activités de proximité (Idap, 4) forme des animateurs aux «problématiques des aidants et aux modalités de l’accompagnement». Les conseils généraux de Seine-Maritime et de l’Eure font appel à l’Idap, dans le cadre de la mise en oeuvre de schéma gérontologique, tout comme les caisses de retraite ou encore les centres communaux d’action sociale. Il leur en coûte 200 euros par jour et par stagiaire, la formation durant trois jours. A l’Union nationale des associations de familles et anciens malades mentaux (5), l’entraide est naturelle et banalisée. Les 1 500 bénévoles du mouvement sont au service de ses 12 000 familles adhérentes et «bien au-delà», puisque le pays compte 600 000 familles dont un membre est affecté par des troubles psychiques de longue durée. Dans cet esprit, l’Unafam forme 450 formateurs par an, à raison de périodes de deux à quatre jours par groupes de vingt, qui sont à même sur le terrain de donner la voie à suivre.
Autant d’initiatives et de pratiques qui montrent que le soutien aux aidants familiaux est en marche. Il était temps de leur tendre la main. Même le plus chevronné des professionnels de l’aide aux personnes ne saurait remplacer une mère, un père, un frère, une soeur, une fille ou un fils qui accompagne de son amour, à mains nues, au jour le jour, un parent dépendant.
(1) La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie parle de 760 000 victimes d’accident de la vie de 20 à 59 ans recevant une aide régulière, avec en moyenne 2 aidants qui, dans 60 % des cas, sont des membres de la famille et, dans 13 % uniquement, des professionnels. Pour les personnes âgées, on compte à ce jour 1 million de bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie, tandis que 3,2 millions de plus de 60 ans disposent d’une aide (ménagère à 80 %) en raison d’un handicap ou d’un problème de santé.
(2) Tél. 01.42.97.52.41.
(3) Tél. 01.43.26.57.88, www.aidants.fr.
(4) Tél. 01.46.57.31.30.
(5) Tél. 01.53.06.30.43.
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