LES AUTEURS d'une étude publiée dans la revue « Médecine palliative » (un médecin généraliste et trois praticiens hospitaliers)* ont fait le point sur la place de la mort dans la relation entre le médecin et le malade en fin de vie. Ils ont réalisé une étude rétrospective des malades admis au service d'accueil des urgences du CHU de Clermont-Ferrand et décédés dans les 72 heures suivant leur admission en 2001 ; ils ont mené une enquête auprès d'étudiants hospitaliers, d'internes, de médecins hospitaliers du CHU de Clermont-Ferrand et de médecins généralistes du département.
L'étude des urgences fait apparaître que sur les 181 patients décédés dans les 72 heures suivant leur admission, 19 (soit 10,5 %) étaient des patients cancéreux en fin de vie se présentant pour un motif directement lié à leur maladie. « Ces malades, selon nous, auraient pu et dû éviter le passage par la case urgences dans leur parcours hospitalier. Ils témoignent de dysfonctionnements dans la prise en charge d'amont », commentent les auteurs de l'étude.
L'enquête menée, en novembre 2002, auprès des différentes populations de médecins (au total 576 questionnaires retournés), permet de mieux comprendre les raisons de ces dysfonctionnements. Interrogés quant à la formation reçue sur les soins palliatifs au cours de leurs études médicales ou par la suite, 53,1 % des médecins généralistes et 59,3 % des médecins hospitaliers disent ne pas avoir été formés contre 37,7 % des internes et 39,3 % des étudiants hospitaliers. Parmi ceux qui s'estiment formés, la formation d'une démarche volontaire et personnelle pour 94,3 % des généralistes et 61,9 % des médecins hospitaliers. En revanche, pour 75,7 % des internes et 67,6 % des étudiants hospitaliers, la formation s'inscrit dans le programme des études médicales.
Les résultats sont sensiblement équivalents en ce qui concerne la formation sur la mort. On peut noter que, parmi les internes interrogés, tous avaient été confrontés à la mort d'un malade. Ils sont 77 % à vivre difficilement ces situations, « du fait de la souffrance psychologique que cette mort a entraînée (chez eux) » (59,1 %), par « manque de savoir-faire technique pour soulager les symptômes ultimes » (45,5 %), « du fait de difficultés relationnelles avec la famille » (45,5 %). Par ailleurs, les médecins hospitaliers et les généralistes qui n'ont pas été formés sont nombreux à souhaiter bénéficier de formations sur les soins palliatifs et ils sont encore plus nombreux parmi ceux qui ont déjà été formés.
Des outils pédagogiques nécessaires.
En France, depuis 2001, un enseignement sur les soins palliatifs et l'accompagnement est inscrit au programme des quatrième et cinquième années de médecine, et une formation portant sur la relation médecin-malade et sur l'annonce d'une maladie grave a lieu en sixième année. « Il nous paraît cependant que ces enseignements sont encore insuffisants et inadéquats en ce qui concerne leur répartition », commentent les auteurs. Selon eux, la formation dispensée devrait, par ailleurs, s'appuyer sur « des outils pédagogiques variés (cas cliniques discutés en groupe, jeux de rôle, rencontre avec des patients) et ne pas reposer uniquement sur des cours magistraux ». Si les auteurs saluent l'introduction d'enseignements sur les soins palliatifs en quatrième année des études médicales, leur inscription au programme du troisième cycle leur paraît indispensable.
Toutefois, ajoutent-ils, « ces enseignements ne sauraient porter pleinement leurs fruits qu'accompagnés de la prise de conscience, par la société en général et les médecins en particulier, de la réalité de la mort, dont le tabou semble toujours d'actualité. Une mort plus familière permettrait, grâce à un entourage plus serein et des médecins mieux formés, un accompagnement apaisé des mourants », concluent les auteurs.
* Boespflug 0 et coll. Le médecin face au malade en fin de vie : enquête auprès du corps médical sur la formation aux soins palliatifs et l'accompagnement des malades en fin de vie. « Méd Pall » 2005 ; 4 : 165-171.
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