A neuf mois de l'élection présidentielle, la situation pour la majorité actuelle est moins favorable qu'il y a trois mois.
D'abord la dégradation économique, plus accentuée que le gouvernement n'a tenté de nous le faire croire pendant les six premiers mois de l'année, réduit considérablement les atouts de Lionel Jospin : le taux de chômage remonte, les profits des entreprises diminuent, la confiance des ménages s'effrite.
François Hollande aurait conseillé à M. Jospin de ne pas faire campagne sur son bilan, qui demeure pourtant impressionnant, moins à cause des réformes qu'il a engagées que des quatre ans de croissance dont il bénéficié. On comprend le secrétaire national du PS : si les électeurs attribuent la croissance au gouvernement, ils ne manqueront pas de lui reprocher son ralentissement.
Ensuite, les réformes sont largement inachevées : rien n'a été fait pour la Fonction publique, pour la retraite, et le système de santé avance en claudiquant. Ces trois réformes nécessitaient un courage politique que M. Jospin aurait pu avoir il y a encore un an, mais qu'il ne peut plus avoir aujourd'hui sans s'aliéner une forte partie de son électorat naturel.
Chirac reste populaire
Enfin, les différents scandales dans lequels la classe politique est impliquée semblent davantage endommager la réputation de M. Jospin que celle de Jacques Chirac. Les révélations sur les dépenses du chef de l'Etat et sur le château de Bity n'ont pas fait baisser sa cote de popularité et il devance largement M. Jospin au chapitre des avis favorables ; comme si l'opinion n'avait pas digéré le passé trotskiste du Premier ministre et éprouvait en revanche beaucoup d'indulgence pour le train de vie passé du chef de l'Etat.
On peut s'en étonner, mais c'est ainsi ; et cela explique que M. Hollande considère les rendez-vous électoraux comme une partie difficile.
On notera d'ailleurs que l'opposition n'a toujours pas triomphé de son apathie. Elle présentera beaucoup de candidats à la présidentielle, mais on attend toujours son programme de gouvernement et la réunion de ses forces avant les législatives. Elle est peut-être encouragée dans son inertie par les déchirements de la majorité plurielle : les communistes réussissent à merveille dans le grand écart qui leur permet de participer au gouvernement tout en critiquant son action ; et l'extrême gauche a acquis, depuis les municipales, une audience sans précédent. La popularité d'Arlette Laguiller n'a jamais été aussi élevée. La droite devrait s'en inquiéter, non s'en réjouir. Car le retour en force de l'extrême gauche démontre que le discours antimondialisation, anti-entreprise, anti-économie de marché est approuvé par une fraction chaque jour un peu plus large de l'opinion nationale. Ce phénomène ne se traduit pas seulement par une radicalisation du PC ; il renforce, chez les Verts et au PS (et bien entendu au MDC), les courants les plus hostiles à l'euro et à l'économie libérale, à laquelle les Français ne se rallient qu'en période de croissance.
Le casse-tête des 35 heures
Lionel Jospin, dont la politique économique est dénoncée par l'extrême gauche comme trop proche de celle de la droite, risque donc d'être pris au piège des espoirs qu'il a donnés à l'électorat. La mise en place des 35 heures à l'hôpital, dans la Fonction publique et dans les PME pose de tels problèmes qu'une dilution de son application dans le temps et par des mesures de tolérance semble s'imposer. Mais le Premier ministre peut-il se déjuger après avoir contraint le secteur privé à adopter les 35 heures ?
On peut craindre que les nécessités électorales n'amènent le gouvernement à maintenir des dispositions coûteuses, alors que le ralentissement de la croissance devrait l'inciter à une plus grande prudence budgétaire.
Le point de vue particulier de Laurent Fabius ne pèsera pas beaucoup dans une stratégie de survie politique. D'autant que d'autres pays européens, l'Allemagne et l'Italie notamment, posent ouvertement aujourd'hui la question du respect des critères de Maastricht.
C'était facile de mettre en uvre les instruments d'une politique de rigueur ; ce l'est beaucoup moins de maintenir ces instruments quand les recettes font défaut, non seulement pour financer les réformes mais pour boucler le budget. Laurent Fabius a passé l'été, littéralement, à défendre la baisse des impôts (maintenue) et sa politique budgétaire. Mais il ne pourra tenir le cap actuel que s'il s'accorde une hausse du déficit public. Ce gouvernement n'aura pas été le premier à sacrifier à un objectif politique des équilibres économiques. Ce n'est pas une raison pour approuver la méthode.
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