Théâtre
Étrange. Elle est étrange cette comédie qui commence dans les couleurs acidulées et bascule dans un sombre cauchemar. Elle a intéressé André Engel qui, après être passé du côté de Büchner (« Woyzeck », « Léonce et Léna ») revient à cet auteur qui se disait très représentatif de l'Autriche-Hongrie, mort tragiquement sous les frondaisons de Marigny - une bourrasque, des branches d'arbre qui s'effondrent et il est tué le 1er juin en 1938 après avoir vu « Blanche-Neige » dans un cinéma des Champs-Elysées.
Le destin bizarre, l'accident, ont leur place au cœur de cette pièce qui mêle le réel tendrement prosaïque, l'observation angoissée du monde et un fantastique de conte qui n'atténue jamais la tonalité sombre qui domine malgré le traitement parfois enjoué du spectacle. Engel, au meilleur de sa forme et très bien entouré, va jusqu'à l'opérette en quelques chansons et couplets aussi enjoués qu'inattendus. Et qui ne disent pas que la légèreté du ciel au-dessus des montagnes...
Cette pièce fait partie de celles qu'Horvath écrivit après l'arrivée d'Hitler au pouvoir, après 1933. Il ne se contente plus d'épingler, sous la joliesse de notations précises, les us et coutumes d'un temps dont il sut très tôt la déraison. Il cherche au-delà du monde. C'est pourquoi il y a dans ce « Jugement dernier » des interrogations et morales et métaphysiques très clairement exposées.
Vingt et un interprètes, remarquables, en tête desquels Jérôme Kircher le pauvre chef de gare qui a commis l'irréparable, chevalier du monde moderne qui subit des épreuves très dures au long d'un chemin d'initiation qui le laissera nu comme Adam au côté de la jeune fille qui l'a troublé et perdu en voulant le sauver. Anna, Marie-Julie Parmentier, elle aussi s'est perdue... Remarquable de sensibilité délicate, la jeune comédienne donne sa grâce particulière au personnage face à la pureté ardente d'Houdetz.
Il y aurait mille et un fils à tirer dans cet entrelacs fascinant où tout fait sens. Saluons Eric Elmosnino, si aigü et précis, Evelyne Didi, formidable, Yann Collette si juste dans ses apparitions, saluons ce grand travail de troupe conduit par un metteur en scène qui est un grand artiste, un poète.
Théâtre de l'Odéon aux Ateliers Berthier, à 20 heures du mardi au samedi, à 15 heures dimanche. Jusqu'au 20 décembre. Durée : 1 h 40 sans entracte (01.44.85.40.40). La traduction d'Henri Christophe est publiée dans le tome 6 des Œuvres Complètes. L'Arche éditeur (22,90 euros). En vente à la librairie du théâtre.
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