VOILÀ ENFIN une fiction historique propre à séduire les amateurs d'histoire comme de romans. Le manuscrit dans lequel Hugues de Floreffe, un prêtre qui fut le seul ami et le confident de Juette, raconte l'irrésistible cheminement de la jeune fille vers la folie, existe bel et bien qui situe les événements sur fond de révolte et de répression cathare et vaudoise, mais Clara Dupont-Monod ne se cache pas d'avoir pris des libertés avec les faits et la chronologie. Elle a eu raison. Car en privilégiant le destin individuel de son héroïne, elle dévoile une figure méconnue de la liberté et de l'idéalisme féminin, des notions qui restent un combat quotidien.
Juette a 13 ans. Elle est une petite fille trop fluette et trop pâle, aux yeux d'émeraude. Elle n'échappe à l'ennui et à l'enfermement dans la maison de ses parents – où on lui apprend à coudre mais pas à lire – que par la rêverie et les légendes des chevaliers amoureux de belles princesses glanées ici et là, arrachées à Hugues, qui «n'est pas un homme, mais un homme pieux».
Juette a 15 ans. On l'a mariée à un homme beaucoup plus âgé. «Je n'ai pas protesté. J'ai laissé faire parce qu'on ne défie pas l'ordre des choses. On ne défie pas son père ni Dieu. » Elle a dit adieu aux chevaliers de ses rêves et découvre le sort des princesses contraintes de subir le viol conjugal et l'enfantement. Sa haine de l'homme s'étend à son père qui a fait passer l'argent avant le bonheur de sa fille, à son enfant non désiré parce qu'il est un garçon – «un ogre de plus» –, et surtout aux représentants du clergé, qui ne pensent eux aussi qu'à s'enrichir et à engrosser leurs paroissiennes.
Juette a 18 ans. Elle est veuve. Elle a souhaité la mort de son mari, elle n'a rien fait pour l'empêcher. Comme il n'est pas question pour elle de se remarier, elle distribue sa fortune aux lépreux et demande à entrer dans l'ordre des veuves. «Que pouvait faire l'Eglise? J'ai utilisé ses armes. Je les ai retournées contre elle. Ni blasphème ni dissidence. Juste une foi chrétienne».
Mais l'époque n'offre aucune alternative aux désirs de liberté et d'accomplissement personnel, même dans la foi chrétienne. Elle n'aura d'autre choix que de mener sa passion jusqu'au bout.
Un beau roman à l'écriture élégante, inattendu et intéressant car, à tant de siècles d'écart, il éveille de multiples échos en nous.
Editions Grasset, 233 p., 17,90 euros.
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