« CHER SERGE MOATI, avec l'aide de notre direction, vous êtes venu faire un reportage à l'hôpital Sainte-Anne qui vient d'être diffusé à la télévision. Laissez-moi vous dire que vous auriez dû l'intituler : “L'asile existe toujours, Serge Moati y a fait un tour”. Vous n'êtes pas venu à l'hôpital Sainte-Anne pour chercher ce que vous pourriez y apprendre ou y voir mais pour voir ce que vous aviez préalablement choisi de chercher. Vous me direz qu'on ne trouve jamais que ce que l'on cherche !
Est-il vrai que, malgré les efforts des soignants, certains malades restent dans des états de grande maladie, de folie, diriez-vous ? Dont acte, cela existe : les soignants de l'hôpital Sainte-Anne s'honorent d'assumer ce rôle d'asile, c'est-à-dire de lieu où les personnes les plus vulnérables et les plus démunies peuvent être accueillies. Votre reportage rend justice à cette fonction de l'institution hospitalière vieille de bientôt deux siècles.
Vous vous êtes appuyé sur le témoignage de notre collègue Boris Cyrulnik, lui-même extérieur à notre hôpital. Ses talents pédagogiques et son savoir-faire en matière de communication ne lui ont pas épargné quelques pièges tendus par vous : en désignant les malades traités à l'hôpital Sainte-Anne comme médicalement plus graves que ceux qui sont traités ailleurs (qu'en sait Boris Cyrulnik qui n'a jamais travaillé à Sainte-Anne ?), en donnant une image romanesque de la maladie mentale, jusqu'à déclarer avoir vécu les plus belles années de sa vie à l'hôpital psychiatrique !
La maladie et la souffrance, en particulier mentales, sont trop sérieuses et graves pour les laisser traiter comme vous l'avez fait.
Réaction indignée.
Pensez-vous avoir rendu un service aux personnes qui avec tant de gentillesse ont accepté de parler sous l'oeil de votre caméra ? Vous savez la réaction indignée de la patiente marocaine soignée dans mon service quand elle a vu votre reportage : je la comprends et suis coupable de vous l'avoir présentée.
Pensez-vous avoir rendu service à l'hôpital Sainte-Anne que vous avez réduit à sa fonction asilaire ? Vous avez écarté tout ce qui a marqué l'évolution de cet hôpital dans les cinquante dernières années ! Quatre-vingt pour cent des patients soignés à l'hôpital Sainte-Anne le sont en ambulatoire. Et, s'ils ont une caractéristique par rapport à ceux qui sont soignés en privé, c'est la gravité de leur situation sociale plus que de leur maladie. Laissez-moi vous dire aussi que la recherche ou la technologie, pas plus que les thérapeutiques médicamenteuses ou psychologiques, ne sont des actes de protection des soignants mais des malades.
Pensez-vous avoir informé le public, qui a certainement admiré les talents littéraires de votre discours dans les allées de l'hôpital Sainte-Anne ?
Cher Monsieur Moati, le métier de journaliste est un métier bien difficile. »
Appel de l'OMS pour la santé mentale
Plus de 75 % des personnes atteintes de troubles mentaux dans les pays en développement ne reçoivent ni traitement ni soins, a indiqué l'OMS à l'occasion de la Journée mondiale de la santé mentale. Une majorité de pays consacrent moins de 2 % de leur budget de la santé à ce domaine. Un tiers des schizophrènes, plus de la moitié des personnes souffrant de dépression et les trois quarts de celles confrontées à des troubles liés à l'usage de l'alcool n'ont pas accès à un traitement ou à des soins simples et abordables. En Afrique, par exemple, neuf épileptiques sur dix ne reçoivent aucun traitement, n'ayant même pas accès à des anticonvulsivants simples et bon marché (moins de 5 dollars par personne et par an). L'OMS lance un appel aux donateurs et aux acteurs dans le domaine de la santé mentale, et un programme d'action intitulé Combler les lacunes en santé mentale. Le coût supplémentaire du renforcement des services est peu élevé, selon l'organisation internationale : dans les pays à faible revenu, la généralisation d'un ensemble d'interventions essentielles concernant trois formes de troubles mentaux – schizophrénie, trouble bipolaire et dépression – et un facteur de risque – l'usage dangereux de l'alcool – représenterait un investissement supplémentaire ne dépassant pas 0,20 dollar par personne et par an.
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