Théâtre
Elle ricane, elle est féroce. Quatre pièces à son actif et quelque chose d'une corrosité qui n'épargne rien mais qu'il est toujours difficile de transcrire pour nos consciences d'Européens bien tranquilles. Elle y prend garde. Ses didascalies sont extrêmement précises. Il y a une force en elle, quelque chose de brutal. Pas de compassion pour les faits, ce qui n'interdit pas une sorte de tendresse pour ses personnages. C'est ce qui trahit un écrivain véritable. Et Biljana Srbljanovic l'est, à n'en pas douter.
Christian Benedetti qui, depuis plusieurs saisons, dans son lieu d'Alfortville, se consacre aux écritures contemporaines les plus en prise avec le réel, le politique (Edward Bond, notamment), propose une réponse radicale à cette écriture qui bouscule. Il la suit à la lettre. Il lui réplique. Dans un dispositif scénique qui joue les transparences et leurs revers - on se cogne aux vitres et les rideaux font un bruit d'artillerie en coulissant -, il imprime un mouvement forcené au spectacle en suivant les didascalies et en demandant aux interprètes un engagement puissant.
Pantins
Pour jouer cette farce méchante et qui témoigne non d'une désespérance mais d'une lucidité terrible, il ne faut pas craindre de composer des pantins. Jeu saccadé, débit mécanique, qui métaphorisent ce qu'il y a de volontairement répétitif dans le développement de Biljana Srbljanovic, qui scande sa pièce en sept jours. La scène est en Autriche, dans une école par un homme de l'Est (Pierre Banderet), qui essaie de se fabriquer un passé de dissident et tente vainement de l'imposer au piètre journaliste local (Michel Fouquet) qui vient l'interviewer pour le dixième anniversaire de la chute du mur. L'école se résume à deux élèves, Diana (Camille Lacôme), persuadée d'être en relation directe avec la princesse de Galles, fille du directeur, et Gamin, de son vrai nom Kemal Dzahiri, turc qui monnaye son corps sans état d'âme ; deux professeurs, qui se donnent du « collègue » à qui mieux mieux, la prof de gym, collègue Müller (Ingrid Jaulin) et le prof de bureautique, collègue Mayer (Rémi Pons), qui trompe allègrement sa femme. Eros en effet, tourmente ce petit monde et chacun, ici, fait commerce de soi-même.
La troupe du Théâtre-Studio d'Alfortville, rompue à ce répertoire destructeur et sarcastique, s'en donne à cur-joie. Peut-être tout cela n'est-il qu'un reality show télévisuel ?
Une proposition fidèle et personnelle de transmission d'une écriture redoutablement difficile par sa texture même, des comédiens unis, investis. Une proposition convaincante mais très amère, méchante même. A moins que, comme le suggère la fin, tout puisse s'apaiser sentimentalement. Mais c'est un pied de nez de Srbljanovic et Benedetti !
Théâtre Studio d'Alfortville, du mardi au samedi à 20 h 30, le samedi en matinée à 15 h (01.43.76.86.56). Jusqu'au 8 mars. Le texte de la pièce est publié par L'Arche. Christian Benedetti joue en alternance le rôle de Léo Schwartz.
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