IL Y A QUELQUES ANNÉES, Charles Torjmann avait monté cette pièce, nous la faisant découvrir comme un conte avec morale, histoire pessimiste mais manière colorée comme une histoire à la Isaac Babel, comme celles de Mikhaïl Boulgakov lui-même avec sa puissance émotionnelle et ses visions, son goût du fantastique et sa lucidité.
Des années plus tard, le monde étant ce qu'il est, la vision de Daniel Jeanneteau est sombre. La pièce toujours aussi touchante et grinçante, fascine.
Scénographe de formation, le metteur en scène se révèle ici, plus encore que dans ses précédentes propositions (« Iphigénie en Aulide » de Jean Racine, « la Sonate des spectres » d'August Strindberg, « Anéantis » de Sarah Kane) comme un excellent directeur d'acteurs. Il a fait retraduire la pièce, selon les dernières éditions critiques russes. Macha Zonina et Jean-Pierre Thibaudaut ont établi cette version qui nous montre combien Boulgakov change de style sans cesse, introduit des ruptures, des dissonances.
La pièce « Adam et Eve » lui avait été commandée en 1930 par le théâtre Rouge de Leningrad. Un sujet : les dangers de la guerre. Jugée littéralement « irrecevable », elle ne fut jamais jouée du vivant de l'écrivain.
Il y a donc de la leçon philosophique et du fantastique dans « Adam et Eve ». Ces jeunes gens, Adam (remarquable Olivier Werner) et Eve (Julie Denisse, très fine), mariés le matin même, échappent à la mort chimique qui a détruit toute vie grâce à un savant, Efrossimov (Axel Bogousslavski, dans la maturité d'un jeu maîtrisé) avec Daragan (Miloud Khetib, dans la sérénité du talent profond qui est le sien) qui va chercher le salut au loin et ne reviendra que bien tard. Il y a encore Pontchik (Armen Godel) et Markizov (Philippe Smith) qui, eux aussi, ont échappé à la mort. Réfugiés dans la forêt, ils s'organisent en réfléchissant à ce qui advient...
Une belle histoire, dans des lumières noires, une étrange histoire qu'il faudrait écouter comme jamais. Autres acteurs, tous très bons, Elisabeth Cerqueira, Sabine Macher, Jean-Marc Hennaut, Lionel Roumegous. Jeanneteau s'impose ici comme un metteur en scène puissant et les deux heures vingt sans entracte passent vite.
Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, à 19 h 30 le mardi, 20 h 30 du mercredi au samedi, en matinée à 16 h le dimanche. Durée : 2 h 20 sans entracte. Jusqu'au 6 avril. (01.48.13.70.00).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature