Une exposition d'objets personnels à la mémoire de malades mentaux

Publié le 13/10/2002

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Jusqu'au 29 juin 2003, la ferme du Vinatier, centre culturel de l'hôpital psychiatrique de Bron (Rhône), restitue, à travers l'exposition d'objets « ...Avez-vous donc une âme ?», la mémoire de malades internés entre 1920 et 1980.

Un blaireau, des crucifix ou encore la photo d'un tigre figurent parmi les 800 pièces placées sous vitrine. Synthèse de différentes approches, ethnologique, historique ou médicale, cette présentation de colifichets, documents, effets et autres objets entend montrer « ce que des choses intimes peuvent nous dire du monde ».
Une historienne, Isabelle Von Bueltzingsloewen, a reconstitué quelques notices biographiques à partir d'éléments administratifs, en occultant l'identité des personnes. Ainsi, l'histoire de Jean-Pierre N., décédé en 1982, interné à la suite d'un délit d'errance, au dossier médical « vide », selon le Dr Michel Gillet, psychiatre. Né le 15 septembre 1904 dans une famille « très aisée » du protectorat français de Phnom Penh (Cambodge), l'homme est placé, le 17 mars 1943, au centre d'hygiène mentale de Marseille au lendemain d'une arrestation pour « vagabondage et infraction à la police des Chemins de fer ». Un an plus tard, il est transféré à l'hôpital psychiatrique du Vinatier avec 98 autres « malades mentaux ». Interné jusqu'au 25 novembre 1982, « il évolue au gré des sollicitations, de son instabilité, de sa paresse et de sa puérilité », et mourra peu de temps après, à l'âge de 78 ans.
Pour le Dr Michel Gillet, « le trouble à l'ordre public est l'unique élément évoqué pour justifier l'hospitalisation », et non son éventuelle maladie. Un portefeuille noir et un rasoir sont les derniers souvenirs de Jean-Pierre N.
La ferme du Vinatier a été construite en 1890 afin de permettre l'autosuffisance des malades mentaux du deuxième hôpital psychiatrique de France, après celui de Sainte-Anne à Paris. Au plus fort de son activité, avant la Seconde Guerre mondiale, elle exploitait des champs, un potager, un verger, une vigne destinée à la vente du vin - d'où son nom de Vinatier -, un troupeau d'une centaine de vaches et une porcherie de 500 têtes. Elle a cessé de fonctionner à la fin des années soixante et a été transformée en musée trente ans plus tard.