DE NOTRE CORRESPONDANTE A LYON
SI LA LOMBARDIE APPARAIT pionnière en la matière, le DMP ne s‘est cependant pas fait du jour au lendemain. La première pierre de cet édifice a été posée au début des années 1980, période «où sont nés les premiers dossiers patients informatisés», a indiqué le Dr Roberto Nardi, chargé de mission auprès de la Direction de la santé en Lombardie, lors de la présentation du dossier médical partagé (DMP) lombard à ses confrères rhônalpins (1). D'ailleurs, les deux régions viennent récemment de signer une convention sur l'e-santé, et le Pr Michel Amiel, président de l'association Astrh@, a rappelé que Thierry Philip, vice-président au sport et à la santé au conseil régional Rhône-Alpes, l'avait chargé de faire un état des lieux de l'avancement du DMP en Europe. Si le projet lombard était donc sur les rails depuis très longtemps, ce n'est qu'en 1997 qu'il a été inscrit dans le plan de modernisation du système de santé adopté par le gouvernement régional (2). Dans cette région italienne, où les dépenses annuelles de santé s'élèvent à 1,2 milliard d'euros, les 8 000 omnipraticiens installés sont des « gatekeepers », une porte d'entrée dans le système de soins ; plus de 75 % d'entre eux sont informatisés et leur rétribution repose sur la capitation. L'objectif du plan était de donner aux citoyens la possibilité de stocker leurs données médicales et d'en donner accès au médecin, via un extranet sécurisé. Une première carte à puce européenne de santé – qui fait également office de carte de paiement depuis 2006 – a donc été élaborée à l'intention des usagers et une seconde au profit des professionnels de santé. En dehors des cas d'urgence et d'affiliation d'un patient à un médecin, l'accès d'un professionnel de santé au DMP d'un patient ne peut se faire que si les deux cartes ont été introduites dans le lecteur.
A l'issue d'une montée en charge progressive, ayant démarré en 1999, les 9,2 millions de lombards avaient reçu leur carte fin 2006, mais «30% n'avaient toujours pas renvoyé l'autorisation écrite permettant d'activer l'ouverture du DMP», a déploré le Dr Nardi, faute d'avoir compris la nécessité de cette démarche, croit-il savoir. Le gouvernement régional envisagerait donc une piqûre de rappel sous la forme d'une campagne de communication. Du côté des omnipraticiens, qui ont perçu une somme forfaitaire de 5 000 euros pour alimenter le dossier, le bilan révèle que 55 % l'utilisent régulièrement. Interrogé sur le temps consacré à cette nouvelle tâche, le Dr Nardi l'a estimé à 30 %, tout en précisant que «ce temps était néanmoins récupéré par ailleurs».
Pour le gouvernement régional, l'investissement total sur quatre ans, lequel englobe des apports du privé, s'est élevé à 100 millions d'euros, auxquels il faut ajouter 90 millions d'euros de maintenance annuelle. Quant au coût du DMP à proprement dit, il revient à 10 euros par patient et par an. Au final, «notre système est un point de départ et certainement pas d'arrivée», a résumé le Dr Roberto Nardi. Et de poursuivre : «Ce premier bilan révèle une potentialité de communication efficace et rapide des données cliniques, de très bons résultats techniques, mais des réalisations organisationnelles insuffisantes.»
Parmi les nombreux points d'amélioration souhaités, figurent notamment la standardisation des documents insérés et la structuration des données cliniques. Difficile de se prononcer également sur l'amélioration de la coordination des soins occasionnée par ce DMP. D'autant qu'en dépit de son appellation – dossier «partagé» et donc non «personnel» – la loi permet aux patients lombards de «masquer» les informations sensibles. Or «si la priorité a été donnée à la sécurité, le système a peut-être atteint ici ses limites», a conclu Roberto Nardi.
1) Soirée organisée par Astrh@, association pour la télémédecine en Rhône-Alpes, l'Urml RA, en partenariat avec le collège lyonnais des généralistes enseignants.
(2) http://www.crs.lombardia.it.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature