LA MÉDECINE, une affaire d’hommes ? Cet adage appartient plus que jamais au passé.
Depuis une quarantaine d’années, les femmes ont investi la profession de manière exponentielle : de 10 % seulement en 1962, la féminisation de la médecine est passée à 36 % en 2003 et, à l’heure actuelle, certaines facultés affichent un taux d’étudiantes de près de 64 %. Plus qu’un nouveau visage de la profession, cette évolution va entraîner un certain nombre de changements autour du temps de travail et du choix des spécialités qui pourraient poser problème au niveau de la qualité et de l’accès aux soins.
En effet, d’après les résultats de l’enquête de la présidente de la section santé publique de l’Ordre, le Dr Irène Kahn-Bensaude, (« le Quotidien » du 1er mars), les femmes médecins, majoritairement attirées par un travail à temps partiel, travailleront moins et certaines spécialités de chirurgie, qui attirent principalement des hommes, risquent de pâtir de cette évolution sociologique qu’il convient d’anticiper dès à présent.
La solution du multisite et du collaborateur libéral.
Ainsi, le numerus clausus augmenté à 7 000 devra encore être élargi pour faire face à l’horizon 2015, lorsque les étudiantes d’aujourd’hui seront devenues médecins.
Par ailleurs, alors qu’il n’y a jamais eu autant de professionnels, «on parle pourtant de pénurie de soins, alors qu’en 1967 la France ne connaissait pas pareille situation, avec seulement 67000 médecins. Cela signifie que le temps destiné aux soins a diminué», souligne le Pr Jacques Roland, président du Conseil national de l’Ordre, qui fait référence aux charges de plus en plus pesantes au niveau administratif et fiscal. «En France, poursuit-il, le médecin est généralement très peu aidé dans ses tâches annexes, contrairement à ses homologues anglais ou américains qui ne se consacrent qu’aux soins. C’est une perte de temps et une perte de compétence. Si on décharge les médecins des tâches administratives, on gagnera du temps consacré aux soins. »
Cependant, les charges sociales pour recruter une secrétaire sont encore trop élevées pour beaucoup de médecins, notamment les généralistes qui «décrochent de plus en plus leur téléphone pendant une consultation».
Derrière la question de la féminisation de la profession, c’est surtout le problème de la démographie médicale qui se pose. A ce titre, la féminisation, marquée par une aspiration générale au temps partiel, apparaît comme une chance à saisir pour répondre à ce défi majeur. Le Conseil national de l’Ordre, en agréant ces dernières années l’exercice médical en multisite ainsi que le statut contractuel du collaborateur libéral, entend aller dans ce sens. «Avec un engagement de collaborateur libéral, le médecin n’a plus le souci de faire fonctionner la structure du cabinet médical dans lequel il travaille. Son seul souci reste de prodiguer des soins. Cela peut être une occasion de plus pour aider les jeunes à entrer dans la carrière. Enfin, cette réforme est essentielle en termes de qualité de vie à laquelle aspirent de plus en plus les jeunes médecins», indique le Dr Irène Kahn-Bensaude.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins s’est en outre prononcé pour des mesures initiatives pour réguler l’installation des médecins sur le territoire. «Nous ne croyonspas vraiment à l’incitation purement financière. Il faut poser le problème de l’organisation des soins et l’Etat doit s’en préoccuper vivement. C’est un choix politique. Il y a eu des déclarations de Xavier Bertrand en ce sens avec un certain nombre de points positifs concernant notamment les maisons de gardes. Une idée déjà abordée par son prédécesseur, Jean-François Mattei, il y a trois ans, et que le Conseil de l’Ordre expose depuis des années. Mais il faut des moyens, une volonté politique et humaine pour mettre enfincela en place», indique le secrétaire général de l’Ordre, le Dr Jacques Lucas.
Pour le président du Conseil national, «ce n’est pas l’Etat centralisateur et jacobin qui résoudra cette question. Il faut privilégier dans ce contexte la politique de régionalisation et notamment les schémas régionaux d’organisation sanitaire».
Une des solutions passe aussi par les maisons pluriprofessionnelles ou les maisons de santé, qui permettent d’assurer la continuité des soins en campagne sans que le médecin soit toujours contraint d’habiter sur place, ajoute le président du Conseil national.
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