De notre correspondante
à New York
L ES études épidémiologiques mettent en évidence une forte corrélation entre la consommation de fruits et de légumes riches en antioxydants et une diminution du risque de cancer. En raison de cette corrélation, il a été proposé qu'une supplémentation en antioxydants, comme la vitamine C, pourrait aider à prévenir le cancer. Toutefois, si les fruits et les légumes contiennent une foule d'antioxydants divers, la prise de vitamine C seule s'est révélée, jusqu'ici, inefficace dans les études de chimioprévention du cancer (« J Natl Cancer Inst », 1998, Lippman et coll.).
Une action antioxydante
L'une des raisons de cette inefficacité pourrait être expliquée par une étude dirigée par le Dr Ian Blair (University of Pennsylvania, Philadelphia), qui révèle une action, in vitro, fort paradoxale de la vitamine C.
La vitamine C est connue, on le sait, pour avoir diverses actions bénéfiques dans l'organisme et, en particulier, une action antioxydante qui « désarme » les radicaux libres. Les radicaux libres sont des ions extrêmement réactifs, produits continuellement par réduction de l'oxygène dans les cellules, qui peuvent endommager les macromolécules comme l'ADN et les protéines.
Les radicaux libres endommagent l'ADN, à la fois par un effet direct et un effet indirect, en transformant certains acides gras polyinsaturés en lipides hydroperoxydés. Ces derniers, en présence d'ions métaux catalyseurs, se dégradent pour former des génotoxines endogènes, autrement dit des composés qui endommagent l'ADN et y introduisent des mutations.
Plusieurs chercheurs, dont Blair et coll., se sont demandés si la vitamine C ne pourrait pas être aussi capable d'induire la dégradation des lipides hydroperoxydés en génotoxines endogènes, à la place des ions métaux de transition.
Afin d'examiner cette question, Blair et coll. ont ajouté de la vitamine C à des solutions de lipides hydroperoxydés. Ils ont utilisé, dans cette étude in vitro, des concentrations de vitamine C équivalentes à celles trouvées dans l'organisme quand l'individu prend 200 mg par jour de vitamine C.
La formation de composés génotoxiques
Résultat, la vitamine C est deux fois plus efficace que les ions métaux de transition pour induire la formation de génotoxines et, en particulier, d'une variété particulièrement puissante : le 4,5-époxy-2(E)-decenal. Cet électrophile bifonctionnel est un précurseur de l'éthéno-2-désoxyadénosine, une « lésion » extrêmement mutagène trouvée dans l'ADN humain.
« L'efficacité avec laquelle la vitamine C induit la décomposition des lipides hydroperoxydés suggère que ce processus pourrait produire des quantités importantes de dégâts d'ADN in vivo », notent les chercheurs. « Il est possible que la vitamine C n'agisse pas dans les études de prévention du cancer », explique dans un communiqué le Dr Blair, « parce qu'elle cause autant de dégâts qu'elle en prévient, mais ce n'est vraiment qu'une supposition à l'heure qu'il est ». La prochaine étape des chercheurs est de voir, in vivo ou dans les cellules vivantes, si la vitamine C produit effectivement des quantités importantes de génotoxines, et si celles-ci génèrent des mutations responsables de cancers.
Ces résultats ne doivent pas être interprétés en affirmant que la vitamine C provoque le cancer, mettent bien en garde les chercheurs dans le communiqué. Ils ne remettent pas non plus en question la sagesse d'avoir une alimentation équilibrée, riche en fruits, en légumes et en céréales.
« Science » 15 juin 2001, p. 2083
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