De notre correspondante à New York
« C ETTE étude, jointe à une étude suédoise récente, indique que l'association entre l'infection à Helicobacter pylori et le cancer gastrique se classe au même rang que l'association entre le tabagisme et le cancer du poumon », commentent, dans un éditorial du « New England Journal of Medicine », le Dr Fox (MIT, Cambridge, Massachusetts) et coll.
Depuis la découverte de Helicobacter pylori en 1982, plusieurs études cas-témoins, fondées sur des tests sérologiques ELISA de sérum conservé, ont constaté une association entre la bactérie et le cancer de l'estomac. Toutefois, l'association observée est relativement faible. Il est possible que l'utilisation dans ces études d'un seul test, comme le test sérologique, ait sous-estimé la prévalence de l'infection (possibilité de résultats faux-négatifs). Il reste aussi à savoir si l'éradication de H. pylori, par le traitement, réduit le risque à long terme du cancer gastrique.
L'étude de Uemura et coll. (hôpital Kure Kyosai, Japon) est l'une des premières études prospectives prolongées de patients avec dyspepsie, infectés et non infectés, évalués par endoscopie avec une recherche de développement d'un cancer gastrique.
1 246 patients trouvés infectés
Mille cinq cent vingt-six patients japonais porteurs d'un ulcère duodénal, d'un ulcère gastrique, d'une hyperplasie gastrique, ou d'une dyspepsie non ulcéreuse ont été testés pour l'infection par H. pylori, au moyen de trois méthodes (examen histologique, test sérologique et test uréase rapide). Le patient était considéré comme infecté dès que l'une de ces méthodes donnait un résultat positif. Mille deux cent quarante-six patients ont été trouvés infectés, 280 ne l'étaient pas. Les patients ont subi une endoscopie avec biopsie à l'enrôlement, puis une nouvelle endoscopie de un à trois ans plus tard. Le suivi moyen a été de huit ans.
Dans cette étude au Japon, où l'incidence du cancer de l'estomac est élevée, la tumeur s'est développée chez 3 % des patients infectés, mais chez aucun des sujets non infectés. L'infection à H. pylori est associée au développement des deux types de cancer gastrique.
Parmi les patients infectés sont particulièrement à risque ceux porteurs d'une atrophie gastrique sévère accompagnant une gastrite prédominant dans le corps, et/ou d'une métaplasie intestinale. Le cancer gastrique a été détecté dans tous les sous-groupes de patients, à l'exception de ceux atteints d'un ulcère duodénal (0/275) : ulcère gastrique (10/297 ou 3 %), polypes hyperplasiques gastriques (5/229 ou 2,2 %), dyspepsie non ulcéreuse (21/445 ou 4,7 %). Ces données confirment une étude de 1996 indiquant que la présence d'un ulcère duodénal protège largement du développement de l'atrophie et du cancer gastrique.
Aucun cancer gastrique après éradication
Enfin, le résultat le plus intéressant, peut-être, de l'étude est que l'éradication de H. pylori prévient ou retarde le développement du cancer gastrique. Aucun cancer gastrique ne s'est développé après éradication de l'infection chez 253 patients infectés, encore que leur suivi soit relativement court.
« Ce résultat est d'une importance potentiellement majeure », notent dans un éditorial le Dr Fox et coll. « La question de savoir qui devrait subir l'éradication de H. pylori , un carcinogène gastrique, reste non résolue », observent-ils. Puisque l'étude de Uemura et coll. indique que les patients atteints de dyspepsie non ulcéreuse ont le risque de cancer le plus élevé (4,7 %), « on peut argumenter qu'ils devraient recevoir un traitement contre H. pylori sur la seule base du risque de cancer ». Des preuves s'accumulent, ajoutent-ils, en faveur de la rentabilité du dépistage de H. pylori et de son traitement en prévention du cancer gastrique. « Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer les résultats de Uemura et coll. et pour évaluer l'histoire naturelle et le résultat de l'éradication dans des populations ayant un risque plus faible de cancer gastrique », concluent-ils.
« New England Journal of Medicine », 13 sept. 2001, pp. 784 et 829.
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