Lors de la 4e édition du forum sur l’antibiorésistance en 2013, les experts avaient souhaité la mise en place d’une grande enquête de prévalence mondiale (GPPS) pour évaluer à la fois la consommation des antibiotiques, mais aussi l’évolution de l’antibiorésistance en milieu hospitalier.
L’étude soutenue par BioMérieux a été confiée à un groupe de scientifiques de différents pays : les professeurs Herman Goossens, Dilip Nathwani, Vincent Jarlier et Peter Zarb qui ont déjà conduit des études similaires au niveau européen. « À l’heure actuelle, nous avons entre 200 et 220 hôpitaux inclus », explique le Pr Herman Goossens, professeur de microbiologie à l’université d’Antwerp, en Belgique, et coordinateur de l’étude. Mais l’objectif est d’en avoir entre 500 et 1 000 à travers le monde afin de collecter des données fiables, valides et comparables sur la prescription chez l’adulte, l’enfant ou le nourrisson. « Il se pourrait que nous ayons encore plus de participants, car l’OMS va envoyer un mail à 17 000 hôpitaux. On ne s’y attendait pas. Nous sommes ravis mais nous espérons que notre système de recueil des données sera suffisamment robuste pour supporter un tel afflux de données », souligne le Pr Goossens.
Unité des soins intensifs et pneumologie
Grâce aux résultats de l’enquête, « les hôpitaux pourront ainsi avoir un point de comparaison entre eux qui aura du sens, car ils seront comparés en fonction d’un même volume d’activité », poursuit le microbiologiste. Les scientifiques vont ainsi recueillir des données pour des dizaines de milliers de patients. « Ça va nous occuper pendant un à deux ans ! », estime le Pr Goossens. Les données seront transmises aux hôpitaux ce qui les aidera à « identifier des facteurs de qualité à améliorer par rapport à leur prescription d’antibiotiques ».
Les résultats préliminaires de cette étude ont été présentés au cours du forum. Ils montrent d’ores et déjà une participation variable selon les pays : 100 hôpitaux ont participé en Europe de l’Ouest, contre une dizaine en Asie centrale et une vingtaine en Amérique. L’étude a inclus 81 039 lits, soit 52 970 patients adultes et 8 147 enfants. Parmi eux, 17 833 patients adultes ont été traités, 77,2 % par antibiotiques (soit 21 719) et 8,7 % (2 448) par d’autres médicaments (anti-fongiques, anti-viraux ou anti-parasitaires). Chez les enfants,
2 630 ont été traités dans les services pédiatriques, dont 3 598 (12, 8 %) par antibiotiques et 360 (1,3 %) par d’autres médicaments. Les patients qui reçoivent le plus d’antibiotiques sont ceux qui sont en unités de soins intensifs ou de pneumologie, ou qui ont subi une transplantation.
Des recommandations peu suivies
« Nous avons aussi remarqué que beaucoup d’hôpitaux ne suivent pas les guidelines, voire n’en ont même pas pour certaines indications, souligne le Pr Goossens. Sur 100 hôpitaux européens, nous avons aussi repéré des problèmes avec l’utilisation des antibiotiques en prophylaxie en chirurgie. Normalement on ne doit pas en donner plus que 24 heures, mais nous avons observé une durée plus longue dans beaucoup d’hôpitaux, ce qui n’est pas acceptable. D’autres prescrivent aussi beaucoup trop d’antibiotiques par voie parentérale. Par ailleurs, nous avons remarqué que beaucoup d’hôpitaux n’inscrivaient pas l’indication de la prescription d’antibiotiques dans le dossier du patient. » Sur ces 100 hôpitaux, les antibiotiques les plus utilisés sont les bêta-lactamines (30,6 %), la pénicilline (22,6 %), les tétracyclines (10,2 %) et les quinolones (10,6 %).
Enfin, selon les pays, les usages sont très variables. « Les patients hospitalisés reçoivent beaucoup d’antibiotiques aux États-Unis et en Asie, mais beaucoup moins dans les pays nordiques », analyse le Pr Goossens. La collecte des données va se poursuivre jusqu’au mois d’août et les résultats définitifs devraient être disponibles en novembre prochain. « Nous publierons les résultats dans des revues validées par les pairs vers le mois de décembre », prévoit le Pr Goossens.
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