« L'HISTOIRE CONTINUE ». Le titre du commentaire signé par Christian Lienhardt et Alimuddin Zumla, dans l'édition en ligne du « Lancet » du 13 octobre, tente d'anticiper l'impact que devraient avoir les résultats de l'étude réalisée par l'équipe d'Ahmet Soyal (université d'Istanbul) et d'Ajit Lavine (université d'Oxford). Le BCG, mis au point à partir du bacille tuberculeux bovin atténué (Mycobacterium bovis), est utilisé chez l'homme depuis 1921. Pourtant, son mode d'action reste largement méconnu et des questions se posent quant à son efficacité. Chez l'adulte, plusieurs essais ont montré une extrême variabilité, de 0 à 80 %, selon les populations étudiées. Chez l'enfant, la protection est meilleure, surtout contre les formes graves de la tuberculose, méningites et milliaires. L'OMS recommande la vaccination le plus tôt possible des nouveau-nés dans les pays à forte prévalence. Les pays à faible prévalence s'interrogent, quant à eux, sur la suppression de la vaccination systématique (« le Quotidien » du 12 octobre).
L'étude d'Ahmet Soyal et coll. est un nouvel argument en faveur du maintien de la vaccination. « Nous avons observé, à partir d'un large échantillon d'enfants exposés au bacille et grâce à l'utilisation d'un test spécifique pour M. tuberculosis , que la vaccination par le BCG a un effet sur l'infection elle-même », affirment les auteurs. Ce « résultat inattendu » montre que la « vaccination protège l'enfant contre la tuberculose infection ».
L'étude a bénéficié du développement d'un test récent, ELISpot, qui permet de mieux caractériser la présence ou non d'une infection à M. tuberculosis chez l'enfant. Il mesure la production d'interféron-gamma par les lymphocytes T, une réponse spécifiquement dirigée contre des antigènes de M. tuberculosis, absents dans le BCG et dans les mycobactéries de l'environnement. Il est aussi plus sensible avec moins de faux négatifs chez l'enfant.
L'étude a été réalisée à Istanbul, ville de 10 millions d'habitants, avec une prévalence de la tuberculose moyenne (40 pour 100 000) et une couverture vaccinale de 79 % chez l'enfant. Pendant 18 mois, en 2002, tous les adultes infectés par le bacille et qui ont eu un diagnostic de tuberculose bacillifère dans une des sept cliniques publiques de la ville ont été invités à participer à l'étude s'ils étaient en contact chez eux avec des enfants de moins de 16 ans. A partir de 443 cas index, 1 024 enfants ont été contactés et 979 ont été inclus dans l'étude. Pour chacun, un bilan complet a été réalisé : interrogatoire, examen clinique (vérification de la présence ou non d'une cicatrice de BCG), radiographie pulmonaire, test à la tuberculine et ELISpot.
Une baisse de 24 %.
Parmi les 13 enfants traités pour une tuberculose-maladie, onze ont un test à la tuberculine positif, douze sont positifs à l'ELISpot. « Seulement trois d'entre eux présentaient une cicatrice du vaccin (23 %) , alors que pour l'ensemble de la cohorte la proportion est de 770 sur 979 (79 %) », notent les auteurs. L'absence de cicatrice est associée de manière significative à un test ELISpot positif, mais pas au test à la tuberculine. Selon l'ELISpot, 110 des 209 enfants non vaccinés ont sans doute eu une tuberculose-infection (53 %), contre 306 des 770 enfants vaccinés (40 %). La présence d'une cicatrice est fortement associée à une baisse de 24 % du risque d'infection (ELISpot). Les auteurs ont montré, en outre, que, en utilisant un seuil de positivité supérieure (15 mm au lieu de 10) pour le le test à la tuberculine, l'association absence de cicatrice et infection devient significative.
Selon les auteurs, l'absence d'effet protecteur du BCG retrouvé dans les études précédentes s'explique par l'utilisation du test à la tuberculine comme marqueur de l'infection, mais aussi parce que les résultats n'ont pas été interprétés en fonction de la présence ou non d'une vaccination antérieure.
Du point de vue du mode d'action, l'étude suggère que la protection induite par le BCG survient à un stade très précoce du processus d'infection, avant même que les cellules T puissent être détectées dans le sang périphérique. Les macrophages intracellulaires de l'alvéole joueraient alors un rôle essentiel.
La tuberculose en Europe
Selon les données recueillies par Euro TB, 415 786 cas de tuberculose ont été déclarés en 2003 dans les cinquante-deux pays de la région Europe de l'OMS. L'incidence moyenne est de 47,2 pour 100 000 avec des disparités selon les régions. La plupart des nouveaux cas (70 %) sont survenus en Europe de l'Est, 15 % en Europe centrale et 15 % pour les pays de l'Union européenne et de l'Ouest. Le contrôle de la maladie en Europe de l'Est doit être une priorité. L'incidence continue à augmenter dans la plupart des pays de la région, surtout chez les jeunes. Même dans les régions où est appliquée la stratégie Dots, les programmes de lutte n'atteignent pas encore leur objectif. En Europe de l'Ouest, l'incidence continue à baisser, de 20 % entre 1997 et 2003. Les populations les plus vulnérables sont les migrants, les personnes âgées et les personnes infectées par le VIH. Au Centre, 52 % des cas notifiés l'ont été en Roumanie et 30 % en Turquie.
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