Les individus porteurs de façon hétéro- ou homozygote de la mutation C282Y (impliquée dans l'hémochromatose) ne risquent pas de mourir prématurément. Cette affirmation de chercheurs du CNRS (UPR 2163) de Toulouse ne prend tout son sens qu'après une remise en situation de la découverte.
Dans le « British Medical Journal », Hélène Coppin et son équipe rappellent que l'hémochromatose est une maladie autosomale récessive. C'est-à-dire que la plupart des sujets atteints portent de façon homozygote la mutation C282Y du gène HFE. C'est-à-dire, également, qu'une part plus importante de la population porte cette même mutation de façon hétérozygote (en fait, 1 personne sur 5 à 10 en Europe du Nord). C'est sur ces hétérozygotes que les Toulousains ont porté leur attention. Il est en effet connu que, bien qu'indemnes d'hémochromatose, ils présentent des taux plus élevés de fer sérique et de saturation de la transferrine.
La mutation C282Y chez 492 centenaires
Or, et c'est là l'objet du travail, le fer est connu pour favoriser l'apparition de radicaux libres qui conduisent à des mutagenèses, à l'athérosclérose, à des phénomènes inflammatoires ou infectieux. Les hétérozygotes, ont pensé les chercheurs, devraient donc être sous-représentés dans les populations de centenaires.
Pour valider cette hypothèse, Hélène Coppin et son équipe ont recherché la mutation C282Y chez 492 centenaires (en moyenne 103,1 ans) sélectionnés dans le projet Chronos de la fondation Jean-Dausset, 80 hommes et 412 femmes. Ils ont réalisé la même recherche chez 492 sujets contrôles de 51,2 ans en moyenne. Quarante-quatre des centenaires étaient hétérozygotes pour la mutation et 42 des témoins (différence non significative). La surprise est apparue au moment du calcul de l'odds ratio pour devenir centenaire tout en portant la mutation : il est à 1,08. En cas d'absence d'effet de la mutation sur le vieillissement, cet odds ratio aurait été de 1. Il est dépassé. De plus, deux homozygotes ont été dépistés chez les plus âgés et un chez les témoins ; aucun n'avait jamais été traité.
« Les complications censées être associées au caractère hétérozygote pour la mutation C282Y du gène HFE, telles que les carcinomes ou les maladies cardiovasculaires, n'ont pas réduit la population de centenaires concernés », constatent les auteurs. L'hétérozygotie ne constitue pas un facteur de risque.
Cette conclusion permet aux chercheurs d'aller plus loin dans leur réflexion. Ils suggèrent tout d'abord que la découverte de deux homozygotes, toujours en vie à plus de 99 ans, montre que la pénétrance clinique n'est pas toujours complète. D'autre part, ils pensent que leur travail remet en cause les recommandations de dépistage de la mutation C282Y. Des stratégies devraient plutôt être mises en uvre pour améliorer la détection précoce des hémochromatoses chez des sujets porteurs d'anomalies du métabolisme du fer.
« British Medical Journal », vol. 327, 19 juillet 2003, pp. 132-133.
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