Dans la population brésilienne, les caractéristiques physiques d'un individu telles que la couleur de sa peau, la texture de ses cheveux et la forme de son nez et de ses lèvres ne suffisent pas à définir ses origines ethniques. En effet, l'analyse du polymorphisme de marqueurs génétiques dans la population brésilienne a montré qu'il n'existait pas de corrélation significative entre l'apparence physique des individus et le score AAI (African Ancestry Index) calculé à partir de leur ADN.
Le polymorphisme de dix marqueurs génétiques
Parras et coll. (université fédérale de Minas Gerais, Belo, Brésil) sont arrivés à cette conclusion après avoir étudié le polymorphisme de dix marqueurs génétiques chez 373 brésiliens. Ce typage génétique a permis d'établir un score AAI pour chaque individu. Ce score a ensuite été comparé à l'appartenance de l'individu à un groupe ethnique (« noir », « blanc » ou « intermédiaire ») déterminée en fonction de ses traits physiques.
Afin d'évaluer l'efficacité de la méthode conduisant au calcul du score AAI, les auteurs ont tout d'abord réalisé le typage génétique de 20 Portugais et de 20 Africains de l'île de Sao Tomé dans le golfe de Guinée. Ces individus témoins ont été choisis car ils sont géographiquement apparentés aux populations européennes et africaines qui ont participé au peuplement du Brésil. Les résultats obtenus sur ces deux populations montrent que le groupe de marqueurs génétiques utilisé pour cette étude permet d'obtenir des scores très différents pour les deux groupes témoins. Le score médian obtenu dans le groupe européen est de - 11,73 et celui de la population africaine étudiée est de 9,71. De plus, il n'existe aucun recouvrement des scores obtenus dans les deux populations témoins. Les auteurs ont ensuite testé le pouvoir discriminant de ce test génétique sur un groupe d'individus amérindiens, le troisième groupe de population ayant contribué au peuplement du Brésil. Malheureusement, le test ne permet pas de distinguer les Amérindiens des Européens.
Parra et coll. ont ensuite appliqué ce test génétique à 173 individus originaires d'une communauté rurale du sud-est du Brésil. Les participant à l'étude ont été classés selon leur apparence physique en trois catégories (« noir », « blanc » ou « intermédiaire »), après une évaluation fondée sur la pigmentation de leur peau au niveau des bras, la couleur et la texture de leurs cheveux ainsi que la forme de leur nez et de leurs lèvres.
Peau, cheveux, nez et lèvres
Cette évaluation a été réalisée de manière indépendante par deux examinateurs afin d'être la moins subjective possible. Dans ce groupe, les scores AAI montrent une très forte variabilité qui engendre un recouvrement important des scores obtenus par les trois catégories phénotypiques d'individus étudiés. Seulement 9 des 30 individus « noirs » ont un score entrant dans l'intervalle observé pour la population témoin africaine et 8 ont un score les plaçant dans le groupe des Européens. De même, seulement la moitié des individus classés dans la catégorie « blanc » montre un score impliquant leur appartenance au groupe d'origine européenne. Enfin, 35 % des individus de la catégorie phénotypique « intermédiaire » ont un score AAI les plaçant dans le groupe des Européens et 13 % peuvent être placés dans le groupe africain. Parmi les dix gènes utilisés pour calculer le score AAI, on trouve un gène codant pour une protéine transmembranaire des mélanosomes, OCA2. Ce gène pourrait jouer un rôle dans les variations de la pigmentation de la peau ; c'est pourquoi sa prise en compte est susceptible de biaiser l'étude en gonflant le score des individus dont la peau est foncée, et inversement en diminuant celui des individus à peau claire. Les auteurs ont donc recalculé le score AAI sans tenir compte de ce gène. Les nouveaux scores AAI ainsi obtenus ne permettent plus de distinguer les différentes catégories définies en fonction du phénotype.
La même étude a ensuite été réalisée sur 200 individus se définissant comme « blancs » et provenant des principales régions du Brésil. Les scores AAI des ces individus sont intermédiaires entre ceux des populations témoins européenne et africaine, y compris dans le sud du pays, qui est surtout peuplé par des immigrants européens.
L'ensemble de ces données indique donc que l'apparence d'un individu, tout au moins dans la population brésilienne, est un mauvais indicateur de son origine ethnique.
Parras et coll.,« Proc Natl Acad Sci USA », édition en ligne avancée, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.0126614100
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature