La « synapse immunologique » est un curieux concept, introduit sur la base de simples analogies et qui semble trouver aujourd'hui des justifications plus profondes. Sous cette appellation, on cherchait à décrire les interactions par contact entre cellules T et cellules présentatrices d'antigènes.
Ces interactions sont de deux types : dans les ganglions, d'abord, les cellules T naïves se différencient et prolifèrent après contact avec des cellules dendritiques. Puis, secondairement, au niveau périphérique, les cellules T activées doivent interagir de nouveau avec des cellules présentatrices d'antigènes pour pouvoir éliminer ces derniers. Le contact cellulaire, requis lors de ces deux étapes, est un processus complexe, qui met en jeu, de part et d'autre, une zone particulière de la membrane, et qui se traduit par un transfert d'information. D'où l'analogie avec la synapse neurologique. Le parallèle ne semble toutefois pas s'arrêter là.
Les récepteurs T
Lors du contact entre cellule T et cellule présentatrice d'antigène, les deux zones membranaires concernées adoptent en effet une structure très organisée, au centre de laquelle sont disposés les récepteurs T, entourés de molécules d'adhésion (ICAM : intercellular adhesion molecules). Les récepteurs, et autres molécules de signalisation, impliqués dans cette interaction, sont sans doute très nombreux. Se pose par ailleurs la question du mécanisme de migration, au sein de la bicouche lipidique, des différentes molécules qui vont former le complexe caractéristique de la zone de contact. Cette migration dépend apparemment de réarrangements du cytosquelette des cellules T et des cellules dendritiques. On ne connaît évidemment pas le détail de ces réarrangements. En revanche, on connaît des systèmes moléculaires impliqués dans les réarrangements du cytosquelette d'autres cellules : les sémaphorines, qui ont une fonction répulsive vis-à-vis des axones en croissance. Le récepteur des sémaphorines (sous-classe 3) est lui aussi connu : il s'agit de la neuropiline 1. C'est donc cette protéine qui a été recherchée sur les cellules immunes et effectivement retrouvée à la surface des cellules T naïves et des cellules dendritiques (et non des monocytes).
Fonctionnellement, la neuropiline 1 semble nécessaire à l'activation des cellules T par les cellules dendritiques, puisque des anticorps neutralisant la protéine empêchent cette activation.
La neuropiline 1 pourrait toutefois participer à la formation de la synapse elle-même. Lors du contact entre cellules, on constate en effet le regroupement des molécules de neuropiline 1 - ainsi que des récepteurs T et CD3 - aux deux pôles des cellules T. Selon les auteurs, ces déplacements pourraient être liés à la contraction de filaments d'actine dans la cellule et suggèrent que la neuropiline 1 est bien impliquée dans la formation même de la synapse immunologique, par exemple en favorisant des interactions entre molécules d'adhésion.
Blocage de la réponse dans certaines affections
A la différence du système nerveux, toutefois, où la neuropiline 1 est impliquée dans la formation des synapses via des interactions avec les sémaphorines, aucun ligand de la neuropiline n'a été mis en évidence dans les cellules immunitaires. Jusqu'à preuve du contraire, il faut donc supposer que l'interaction entre les molécules de neuropiline 1 portées par les cellules T et les cellules dendritiques, est une interaction homotypique.
En ce qui concerne les applications, il faut bien sûr rester prudent sur des systèmes tout juste découverts et seulement très partiellement compris. Comme l'indique Paul-Henri Roméo au « Quotidien », on peut néanmoins penser à un blocage, par anticorps par exemple, de l'instauration de la réponse primaire dans certaines affections auto-immunes. En attendant, il reste ce fait étonnant de l'existence de molécules très spécialisées, communes au système nerveux et au système immunitaire. L'évolution a donc su, pour assurer une même fonction, mettre en contact deux cellules devant communiquer, utiliser une même molécule. Cette capacité explique probablement le nombre, somme toute réduit, de gènes que l'on découvre dans le génome : de 25 000 à 30 000, là où l'on attendait au moins 100 000. Maintenant, la question que chacun attend : ce parallélisme évolutif peut-il être interprété comme une convergence fonctionnelle - la fameuse et toujours aussi hypothétique influence du psychisme sur l'immunité ? Rien, en tout cas, dans le travail publié ne peut servir d'argument à cette thèse.
R. Tordjman et coll. « Nature Immunology », mai 2002, vol. 3, n° 5, pp. 477-482.
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